SERIE BAROMETRE DU MARCHE DE L’ENERGIE 2017-2018 : EPISODE 4/6 LA PROMESSE BIOGAZ D’UNE INDUSTRIE DECARBONEE

Une progression mondiale…

Depuis les années 2000, les acteurs énergéticiens publics et privés ont pu observer une évolution intersectorielle des modes de consommation . Allant de la filière de l’électricité à celle des transports tout en passant par le traitement des déchets, l’essor de pratiques éco-responsable a permis l’arrivée d’un grand nombre de ressources renouvelables sur le marché. Lequel s’est engagé vers une l’économie circulaire dont le développement  profita surtout à l’émergence de la filière biogaz.

En France cette énergie renouvelable est rapidement devenue prépondérante dans le projet de transition énergétique. La feuille de route de la Conférence environnementale de septembre 2012 prévoyait d’ailleurs la préparation d’un plan national biogaz. Ce plan prolongeait le « projet agro-écologique » lancé en décembre 2012, tout en incluant un plan énergie Méthanisation Autonomie Azote (EMAA, lancé le 29 mars 2013). Dès lors, l’appareil législatif français a accompagné la création du plan déchets 2014-2020, en complément de schémas régionaux Biomasse. Le cercle vertueux entretenu par cette politique de valorisation des déchets a permis l’expansion d’un marché aux perspectives de croissance régulièrement revues à la hausse (GRDF ancitipe à 30% la part du biogaz dans la consommation d’énergie en France dès 2030), malgré une concurrence encore marquée par la filière du gaz naturel et du nucléaire. Pour autant si l’on se penche sur les tendances à l’échelle macroécomique, on remarque que la consommation mondiale de biogaz (souvent sous forme de biométhane) aurait progressé en moyenne de 3,5 % par an de 1965 à 2000, alors que la demande globale en énergie primaire n’augmentait en moyenne que de 2,4 % par an.

…soulignée  par un leadership Allemand 

De même, si l’on regarde la dynamique d’un peu plus près,  on s’aperçoit qu’une tendance comparable se dégage à l’échelle européenne. Un rapport publié fin 2015 par l’EBA (European Biogas Association ou Association Européenne du Biogaz) révélait alors que les sites de production en biogaz affichaient une nette progression, comptabilisant 17 240 sites (+18% par rapport à 2013). Par ailleurs L’EBA estimait à 14,6 millions le nombre de foyers européens alimentés au biogaz cette même année. Dès lors, parmi les plus gros producteurs européens l’Allemagne s’est imposée en leader sur le marché.

En 2016, le précurseur de l’Energiwende devançait largement les autres états-membres pour l’injection de biométhane dans les réseaux, avec 165 unités injection de biométhane (10 TWh/a), devant la Grande-Bretagne (50 sites et 2 TWh/a), et les Pays-Bas (25 sites et 0,9 TWh/a). Le Danemark, l’Autriche, la Suède et la Suisse compatibilisent quand à eux tous entre 10 et 20 sites de production d’une capacité totale de 130 à 360 GWh/an.
A contrario la France dispose d’un arsenal productif limité comprenant 19 sites pour seulement 82 GWh/an. Pour autant, la récupération du biogaz de décharge est obligatoire depuis l’arrêté du  qui impose de chercher à valoriser énergétiquement cette ressource (ou le cas échéant la détruire par torchage pour éviter les nuisances olfactives et l’impact environnemental du méthane sur le climat). En 2012 le gaz de décharge  français fournissait ainsi plus de 70% de la production d’énergie primaire issue du biogaz national, mais de nouvelles sources de biogaz tendent à se démocratiser.

Un Atlas Bioénergie International (et en France un atlas Biogaz) mettent à jour la carte des installations industrielles de production/valorisation de biogaz (sous forme d’électricité, de chaleur ou par injection directe dans les réseaux de gaz dans les pays francophones) ;

  • En 2012, 241 sites de production étaient recensés (publication 2013), en 2013, ils étaient 848 (publication 2014) : 578 en France , 200 en Flandre & Wallonie, 32 en Suisse, 25 au Canada francophone, 9 au Luxembourg, 3 à l’île Maurice et 3 en Tunisie.
    En 2014, la densité en installation restait la plus élevée en Belgique et en Suisse.
  • En 2014, Quelques petits réseaux de chaleur étaient alimentés au biogaz, par exemple en Indre-et-Loire à Pernay (1 000 habitants), puis à Le Plessis-Gassot (2014) dans le Val-d’Oise (23 foyers alimentés par le gaz d’une décharge d’ordures ménagères). La ministre Ségolène Royal lança par la suite le projet de 200 « territoires à énergie positive » et un appel à projet 1 500 projets de méthaniseurs en 3 ans en milieu rural.
  • L’année 2015 les capacités installées se développaient à un « rythme stable » selon l’Ademe : « 70 nouvelles unités de méthanisation ont été installées en 2015, pour une capacité de 20 MWe16 » mais les incertitudes sur les tarifs d’achat de l’électricité « impact[ai]ent fortement l’équilibre économique des unités ». Un comité national biogaz a donc été créé le 24 mars 2014  pour aider les acteurs de la filière à dioaloguer. Quatre groupes de travail se réunissaient autour des thématiques suivantes : les mécanismes de soutien au biogaz (tarif d’achat cogénération…), les procédures de facilitations, le bio carburant GNV, et l’injection de biométhane dans le réseau (c’était une demande du livre blanc du Club biogaz de mai 2014) ;
  • Entre 2016 et 2018, dans le cadre des SRADDETs et de la déclinaison de la stratégie nationale biomasse (en préparation), les régions préparaient la rédaction d’un Schéma régional biomasse. En 2017, selon Valérie Borroni, environ 500 installations ont été installées en France : 300 installations agricoles, pour moins de 100 stations d’épuration, le reste étant produit à partir d’ordures ménagères par des industriels. Une centaine de décharges anciennes ont également participé à la récupération du méthane. La  grande majorité produisaient de l’électricité et de la chaleur, et – depuis 2011 – une petite trentaine d’installations injectaient du biogaz dans le réseau de gaz. Des expérimentations de « biométhane porté » (c’est-à-dire compressé et transporté par camion du lieu de production à un point d’injection dans le réseau) ont également été évoqués, laissant place à des objectifs à la hauteur des engagements climatiques pris par la France lors de la COP21.
    En effet, la loi Transition Energétique datant de 2015 fixait un objectif de 10 % de la consommation totale de gaz en 2030, jugé ambitieux par le Syndicat des énergies renouvelables (SER) et les gestionnaires des réseaux français (GRDF, GRTgaz, SPEGNN et TIGF) qui en 2016 ne comptabilisaient que 19 sites d’injection en service en France (mais 200 autres, équivalent à 3,86 TWh sont prévus). La part de ce gaz étant de 0,02 % en 2016, une telle progression signifierait une multiplication par 800 de la production. De 0,082 TWh en 2016, la filière espère produire 1,7 TWh en 2018 puis 8 TWh en 2023.

Par ailleurs les promesses de campagne présidentielles comprenait un objectif 100 % de gaz « renouvelable » en 2050. Selon le SER si tous les acteurs le voulaient, en 2030, 56 TWh de biogaz pourraient être tirés de la méthanisation de 130 millions de tonnes de matière brute (boues, effluents, déchets, cultures…) pour potentiellement fournir en 2050 100 % des besoins nationaux (400 à 550 TWh). Pour cela les déchets méthanisés pourraient fournir 210 TWh, et la gazéification de biomasse 160 à 280 TWh de plus. 20 à 35 TWh pourraient venir de l’hydrogène-méthanation et 10 à 25 TWh de la fermentation de micro-algues. Fos-sur-Mer s’est d’ailleurs engagée dans l’expérimentation d’une approche Power-to-Gas, qui vise l’agilité énergétique par l’interconnexion en réseaux intelligents des ressources en gaz et électricité, pour mieux passer de l’une à l’autre selon le besoin. La « mobilité gaz » pourrait aussi compléter la mobilité électrique (qui s’applique mal aux camions de livraison, camions-poubelles et bus). Parmi les facteurs favorables à l’essor d’une telle innovation figurent le tarif de rachat et/ou d’injection ainsi qu’une prolongation de contrats existants. Par ailleurs, le SER propose une exonération des consommateurs de « biométhane » de la contribution climat énergie ou de la taxe foncière pour les unités de méthanisation industrielle. Enfin, le « biométhane porté » pourrait également se développer.

Des  espoirs de réformes énergétiques pérennes et durables

A noter que malgré un engouement des acteurs publics pour cette nouvelle ressource, une industrialisation à grande échelle du biogaz se montrerait contre-productive au vue des contraintes d’émissions de CO2 réglementées par le SEQE. En effet, d’après le rapport du GIEC publié en 2001, un kilogramme de méthane équivaut à un potentiel de réchauffement global (PRG) sur 100 ans 23 fois supérieur à un kilogramme de dioxyde de carbone. Un argument de poids dans l’élaboration d’un mix énergétique neutre en gaz à effet de serre.

Cependant, la production de biogaz n’aurait pas d’effet entropique si le carbone produit (méthane et dioxyde de carbone) aurait lui-même été  préalablement absorbé par les végétaux dont ce biogaz est issu lors de leur croissance. Par ailleurs, dans l’hyptohèse où la production de biogaz ne contribue pas à surexploiter de la biomasse (elle ne fait alors que restituer du carbone qui avait été ôté récemment de l’atmosphère, contrairement au gaz naturel) la filière atteindrait l’équilibre carbone à long et moyen-terme.

Un second problème à la production intensive de biogaz auquel l’Allemagne s’est confrontée est celui des rendements. Ces derniers atteignent rarement les 70% pour une centrale de cogénération chaleur-électricité, soit 30% de pertes de chaleur. Les culture de maïs Allemands ont donc été sollicité en masse pour pallier à ces pertes, et la filière agricole s’est très vite retrouvée dans une situation de pénurie.

« La loi EEG est contre-productive car elle fait peser une trop forte pression sur l’économie de marché dans la mesure où aucune ressource brute autre que le maïs n’est assez compétitive » prononça Ulrike Höfken Ministre de l’environnement du Rhineland-Palatinate.

Cette loi EEG à laquelle le Ministre faisait référence destine uniquement 50% de maïs à la production de biogaz. Les autres matières organiques sont exclusivement cultivées pour la production de biogaz, et sont donc vendues en plus faible quantité et à des prix plus élevès. Le fumier reste cependant une alternative à haut potentiel, dont 20% est actuellement utilisé en Allemagne pour la production de biogaz, d’après le membre du parti écologiste Allemand Mr Höfken.

Au regard du problème Allemand, l’Union Européenne n’a pas encore dévoilé ses objectifs biogaz après 2020, néanmoins cette ressource joue un rôle important dans la mesure où elle exempte de toute dépendance météorologique à l’instar des énergies solaire et éolienne. Le budget alloué au biogaz donne à l’UE une option de réussite additionnelle dans son projet de réforme énergétique efficace. Enfin, quelques marchés qui font l’actualité de la filière biogaz en France et ailleurs…

 

COUP DE PROJECTEUR SUR LES MARCHES BIOGAZ DU MOMENT

 

La France progresse dans l’injection sur les réseaux. Fontainebleau, accompagnée par l’École Supérieure des Mines met en route une méthanisation-injection de 30 000 tonnes par an de fumiers de cheval sous le nom de projet : EQUIMETH.

Au Mali, des projets pilotes ont été menés dans des zones isolées, pour mesurer comment le biogaz pouvait produire de l’énergie à usage domestique dans une optique durable. L’expérience a montré qu’avec la formation d’artisans locaux pouvant prendre en charge la production des équipements nécessaires (gazomètre, digesteur) et la formation des familles à l’entretien des équipements, le biogaz peut être une alternative viable à l’utilisation des combustibles ligneux pour la cuisson des repas et améliorer les conditions de vie par d’autres apports en énergie (réfrigération notamment). La pression sur les ressources ligneuses a diminué et le compost produit a été utilisé pour fertiliser les sols. Un appui financier reste nécessaire pour la mise en place du système (équipements, installation, formation).

Arti, une organisation non gouvernementale en Inde, développe un simple digesteur de 0,5 m3 (surélevé) pour les Tropiques qui utilise les déchets de la cuisine (riches en amidon et sucres) pour produire le biogaz. kg de déchets produit 400 litres de biogaz en 6 à 8 heures, ce qui suffit pour environ 15 à 20 minutes de cuisine

Biogasmax est un projet européen du 6e Programme Cadre de Recherche et Développement FP6 – 6e PCRD (2000-2006) de la Commission Européenne. Il fait partie des initiatives de l’Europe pour réduire sa dépendance aux carburants fossiles. Partant d’expériences existantes en Europe, il promeut des techniques et des réalisations prouvant l’intérêt de l’utilisation du biogaz comme carburant pour le transport terrestre, sur la base des gisements disponibles dans les zones urbaines en Europe.

Ce projet d’une durée de 4 ans tendra à prouver la fiabilité technique et à poser les bénéfices environnementaux, sociétaux et financiers. Sur la base de démonstrations grandeur nature, le projet permettra d’optimiser les procédés industriels existants et d’effectuer des recherches sur des nouveaux. En plus de sa valeur technique, Biogasmax a une fonction d’éclaireur afin de réduire les barrières à l’entrée, qu’elles soient techniques, opérationnelles, institutionnelles ou réglementaires. Les connaissances acquises seront diffusées sur l’ensemble de l’Union Européenne, spécialement dans les nouveaux états membres.

Biogasmax regroupe des villes telles que Lille en France, Stockholm et Göteborg en Suède, Rome en Italie, Berne en Suisse, Torun et Zielona Gora en Pologne. Le projet s’est entouré de compétences pointues, en Allemagne (ISET à Kassel pour les aspects d’épuration et de concentration du biogaz, l’Université de Stuttgart pour l’analyse du cycle de vie du biométhane-carburant), de supports de transfert de compétences, ainsi que d’un ensemble de partenaires publics et privés dans les pays concernés : opérateurs de gestion des déchets et de l’énergie principalement.

 

 

Sources : http://bio-methaneregions.eu/

http://www.ipcc.ch/home_languages_main_french.shtml

Cliquer pour accéder à 2014-0619_etude_emploi_rapport_clubbiogaz_0.pdf

Cliquer pour accéder à projet_agro-ecologique.pdf

http://www.clarke-energy.com/fr/gas-type/biogas/biodegradblewaste/

Cliquer pour accéder à 2005_Meres_MaA_gorzata.pdf

Cliquer pour accéder à ademe-lalettre-strategie-48.pdf

 

Gérando Avocats, Paris


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