Vous trouverez ci-après l’article que j’ai publié dans le Bulletin du Droit de l’Environnement Industriel sur l’arrêt de la Cour Administrative d’Appel de Bordeaux annulant une décision ministérielle d’allocation de 0 quota (4 avr. 2013, n° 10BX02988 et n° 12BX01272, Société ATEMAX SUD OUEST).
Quotas d’émission de gaz à effet de serre : annulation d’une décision d’allocation de 0 quota
CAA Bordeaux, 4 avr. 2013, n° 10BX02988 et n° 12BX01272, Société ATEMAX SUD OUEST
Par cet arrêt du 4 avril 2013, la Cour Administrative d’Appel de Bordeaux a annulé, à la requête d’une société d’équarrissage soumise au système d’échange de quotas d’émission de GES au titre de son installation de combustion d’une puissance calorifique de 20MW, la décision ministérielle lui allouant 0 quota dans le cadre du premier Plan National d’Affectation des Quotas (PNAQ 1 entre 2005 et 2007).
Pour mémoire, un quota autorise à émettre dans l’air une tonne d’équivalent-dioxyde de carbone au cours d’une période spécifiée (C. env., art. L. 229-7 al. 1). Cette décision ministérielle, prise sur recours obligatoire auprès du Ministre en charge de l’environnement (D. n° 2004-832, 19 août 2004, codifié C. env., art R. 229-27), avait été opposée à la société d’équarrissage au motif que cette dernière était équipée d’une chaudière à combustion exclusivement alimentée en biomasse (graisse animale), non émettrice de gaz à effet de serre ; de sorte qu’elle ne pouvait bénéficier d’une allocation de quotas fondée alors uniquement sur les émissions historiques.
L’effort précoce de cette entreprise vertueuse pour respecter l’environnement était donc bien mal récompensé.
Dans les faits, la société d’équarrissage entendait démontrer que cette absence d’allocation était discriminatoire dès lors qu’elle ne lui permettait pas de modifier, d’améliorer, de maintenir ou d’entretenir son installation de combustion existante, alors que dans le même temps, d’autres entreprises concurrentes du même secteur, dont les émissions historiques étaient très importantes, bénéficiaient de l’allocation de plusieurs centaines de milliers de quotas dont la vente (en août 2006, le cours d’un quota CO2 se négocie alors à 31 €/T) leur permettrait de réaliser des investissements dans des systèmes de réduction d’émission de gaz à effet de serre, plus modernes et plus économiques.
Elle précisait que l’Administration en avait d’ailleurs convenu en tentant de corriger cette discrimination dans le cadre de la deuxième période d’allocation (PNAQ 2 entre 2008 et 2012) pour laquelle elle avait bénéficié d’une allocation de quotas.
La Cour rappelle ici l’application, selon la Directive « quotas » (Dir. CE n° 2009/29, 23 avr. 2009, mod. Dir. n° 2003/87/CE), des articles 87 et 88 du Traité instituant la Communauté Européenne (aux termes desquelles « […]sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines Entreprises ou certaines productions […] ») et qu’il appartient au Ministre en charge de l’environnement, conformément aux articles L. 229-5 et suivants du Code de l’environnement, « de veiller à ce que l’attribution de quotas d’émission de gaz à effet de serre n’ait pas pour effet de conduire à empêcher, restreindre ou fausser le jeu de la concurrence sur un marché, notamment en ne permettant pas à certaines entreprises de céder des quotas de d’émission s de gaz à effet de serre et en les privant ainsi des revenus issus de la vente de ces quotas», ainsi que de prendre en compte « des mesures prises [par les assujettis] à un stade précoce ».
La Cour considère que l’auteur de la décision attaquée « a au demeurant reconnu la situation particulière dans laquelle se trouvait l’entreprise requérante en précisant que si la demande ne pouvait être satisfaite dans le cadre des méthodes du plan national d’affectation des quotas qui a servi de base [à la décision attaquée], une solution devrait être trouvée dans le second plan et si nécessaire, dans une adaptation de la réglementation ; qu’il résulte de l’instruction que cette société a été effectivement bénéficiaire de quotas pour la période suivante correspondant aux années 2008 à 2012, calculés en tenant compte de la consommation de gaz naturel qu’elle avait déclarée pour la période antérieure à 2002 ; qu’ainsi, alors même que la société était regardée comme ne produisant plus depuis 2004 aucune émission de gaz à effet de serre du fait de l’utilisation de 100 % de biomasse, en lui allouant un quota nul au titre de la période comprise entre 2005 et 2007, le ministre a méconnu l’obligation de prendre en compte les mesures prises par cette entreprise en vue de réduire ses émissions de gaz à effet de serre avant l’établissement d’échange de quotas ».
Cet arrêt qui sanctionne une décision ministérielle prise dans le cadre du PNAQ 1 où les allocations de quotas étaient, par principe, gratuites, conserve encore un certain intérêt dans le cadre du PNAQ 3 (entre 2013 et 2020) qui, bien que procédant désormais par voie d’enchères pour une partie des allocations, soumet encore une grande partie des allocations au principe de gratuité (C. env., art. L. 229-8).
Reste à savoir ce que la société requérante décidera pour se voir indemniser du préjudice subi du fait de la faute commise par l’Administration, la Cour refusant en effet d’enjoindre au ministre de lui allouer des quotas de la première période dont elle indique qu’ils ne sont plus désormais négociables…
(Pour une étude d’ensemble du SEQCE, « Énergie-Climat : quotas d’émissions de gaz à effet de serre », de Gérando B., Éd. Lamy Axe Droit, juill. 2010)
Par Bertrand de Gérando
Avocat
Cabinet GÉRANDO AVOCATS
Paris & Bruxelles
Lamy Environnement – Installations Classées, no 585-5, no 585-7 (BDEI n°46, juillet 2013)