- L’hydrogène, « il faut y croire».
Il faut y croire car l’hydrogène est appelé à être le vecteur d’un « ENERNET », un réseau d’échange d’énergie en « peer to peer », sur le même modèle qu’INTERNET pour l’échange des communications et qui permettra l’avènement d’une « démocratie énergétique ».
C’est avec ces propos en écho à « l’internet de l’énergie » de Jéremy RIFKIN que Joël de ROSNAY a introduit le colloque organisé le 7 novembre 2014 au Sénat sur le thème de « l’hydrogène, vecteur de la transition énergétique » auquel nous avons assisté.
Ce colloque était organisé par l’Association Française de l’Hydrogène et des Piles à Combustibles (AFHYPAC) sous l’égide de la Sénatrice Chantal JOUANNO et de Jean-Marc PASTOR ancien Sénateur particulièrement impliqué en faveur du développement des technologies de l’hydrogène et des piles à combustible.
- Les interventions programmées ainsi que les échanges qui ont eu lieu lors de ce colloque visaient à débattre de la place de l’hydrogène dans la transition énergétique, alors que le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte a été adopté en première lecture par l’Assemblée nationale le 14 octobre 2014 et que ce projet sera prochainement discuté au Sénat.
La place de l’hydrogène dans la transition énergétique est cruciale tant l’hydrogène, en qualité de vecteur énergétique, permet de changer de paradigme dans le modèle énergétique.
Ou pour reprendre les termes de Jérémy RIFKIN, l’hydrogène est l’un des vecteurs de ce que ce prospectiviste appelle la « Troisième Révolution industrielle ».
Le schéma ci-après permet de mieux saisir cette notion de changement de paradigme et le rôle primordial de l’hydrogène.
Source : Philippe BOUCLY, Conseiller spécial de GRT Gaz, Présentation « le Power to Gaz : comment valoriser l’électricité excédentaire grâce à l’hydrogène ? », Colloque du 7 novembre 2014 sur l’hydrogène, vecteur de la transition énergétique.
- L’importance de l’hydrogène dans la transition énergétique en France est une évidence pour les acteurs de la filière hydrogène/piles à combustible. Pour autant, cela n’est pas encore nécessairement reconnu par les pouvoirs publics, ou du moins pas assez. L’hydrogène souffre en effet en France d’un déficit de reconnaissance et d’un certain désintérêt, contrairement au soutien fort affiché par les pouvoirs publics de nos pays voisins tels que l’Allemagne ou les pays Scandinaves.
Néanmoins, les choses évoluent et pour le mieux, en témoignent la publication du rapport de Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologique (OPECST) en décembre 2013, le financement de projets ambitieux dans le cadre du Programme d’Investissement d’Avenir et des Appels à Manifestation d’Intérêts (AMI), l’appel d’Arnaud Montebourg en janvier 2014 pour l’élaboration d’une « équipe de France de l’Hydrogène », ainsi que l’intégration de l’hydrogène parmi les 34 plans industriels de l’initiative portée par le gouvernement au titre de la « Nouvelle France Industrielle ».
C’est dans ce cadre que la filière française a récemment fait porter sa voix afin que les technologies de l’hydrogène et des piles à combustible soient mieux appréhendées dans le débat relatif à la transition énergétique, en réponse notamment à une étude à charge contre l’hydrogène publiée par France Stratégie.
Voir les réponses formulées par AFHYPAC au rapport de France Stratégie :
- http://www.afhypac.org/images/documents/afhypac_r_ponse_france_strat_gie_12_09_2014_position_et_r_sum_.pdf
- http://www.afhypac.org/images/documents/afhypac_r_ponse_france_strat_gie_detaillee_12_09_2014.pdf
Et c’est ainsi que le projet de loi sur la transition énergétique, tel qu’adopté par l’Assemblée nationale le 14 octobre 2014, prévoit un article 30 quater :
« Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport dans lequel il présente l’état de ses réflexions sur l’élaboration d’un plan de développement du stockage des énergies renouvelables par hydrogène décarboné, qui porte notamment sur :
1° La mise en œuvre d’un modèle économique du stockage par hydrogène de l’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables, visant à encourager les producteurs d’énergies renouvelables à participer à la disponibilité et à la mise en œuvre des réserves nécessaires au fonctionnement des réseaux publics de transport et de distribution d’énergie, ainsi que les conditions de valorisation de ces services ;
2° La mise en œuvre de mesures incitatives destinées à promouvoir des innovations technologiques visant plus particulièrement les piles à combustibles, pour notamment développer le marché des véhicules électriques ;
3° Le déploiement d’une infrastructure de stations de distribution à hydrogène ;
4° L’adaptation des réglementations pour permettre le déploiement de ces nouvelles applications de l’hydrogène telles que le « power to gas ». »
Source : Projet de loi adopté par l’Assemblée nationale le 14 octobre 2014 http://www.assemblee-nationale.fr/14/ta/ta0412.asp
- La question du stockage de l’énergie illustre pleinement le réel potentiel de l’hydrogène pour la transition énergétique.
Tout l’enjeu du stockage de l’énergie est de pouvoir favoriser l’intégration des énergies renouvelables (ENR) dans le mix énergétique, valoriser l’électricité produite de manière excédentaire par ces ENR et réduire leur intermittence par le mécanisme d’une solution de stockage massif, efficace et de longue durée.
Or, l’hydrogène de par ses caractéristiques permet de stocker de l’énergie sous forme liquide, gazeuse ou solide, facilitant ainsi tant le stockage que la réinjection d’énergie selon les besoins identifiés (mobilité, industrie, énergie). Couplé avec une pile à combustible, l’hydrogène peut être transformé en électricité et réutilisé.
C’est dans ce contexte que se sont développés le concept du « Power to Gaz » (modèle qui consiste à stocker l’énergie, issue de ressources renouvelables, qui serait produite en surcapacité, en transformant cette énergie – le « power » en l’hydrogène ou le méthane de synthèse – le « gaz ») et des projets ambitieux, tels que GRHYD (injection d’hydrogène les canalisations de gaz naturel) ou MYRTE.
- MYRTE en particulier, œuvre au couplage de l’énergie solaire (photovoltaïque) avec l’hydrogène utilisé comme moyen de stockage.
Ce démonstrateur situé en Corse, qui met en commun les compétences de l’Université de Corse Pasquale Paoli, du CEA et d’AREVA via sa filiale HELION, consiste en une plateforme de 3700 m2 de panneaux photovoltaïque représentant une puissance installée de 560 kW.
MYRTE permet de stocker l’énergie solaire produite en excédent par rapport au besoin du réseau électrique sous forme d’hydrogène et d’oxygène via un électrolyseur.
En fonction des besoins du réseau électrique, le système MYRTE permet lors des pics de consommation de restituer l’énergie jusqu’ici stockée via l’hydrogène en la réinjectant sur le réseau grâce à deux piles à combustible d’une puissance commune de 150 kw.
Les piles à combustible fonctionnent pour rappel à l’inverse d’un électrolyseur, la réaction chimique se produisant dans une pile à combustible permettant de générer de l’électricité à partir d’hydrogène et d’oxygène.
La plateforme MYRTE démontre la possibilité de dimensionner et d’optimiser le système énergétique en fonction des besoins du réseau électrique et selon la production électrique issue du photovoltaïque.
En outre, il est tout à fait possible d’envisager l’utilisation de la chaleur produite par la pile à combustible et l’électrolyseur à des fins de chauffage ou de production d’eau chaude sanitaire.
(Source : MYRTE : http://myrte.univ-corse.fr/)
- Il reste que le développement industriel de solutions similaires et à grande échelle sur le territoire français passe nécessairement par la levée des freins réglementaires.
Par exemple, les seuils relatifs au stockage de l’hydrogène devraient être adaptés afin de permettre un usage de l’hydrogène en qualité de vecteur énergétique et non pas comme produit utilisé à des fins industriels.
Dans le cadre du décret n° 2014-285 du 3 mars 2014 modifiant la nomenclature des ICPE, le Gouvernement a annoncé la suppression de la rubrique 1416 « Stockage ou emploi de l’hydrogène » de la règlementation ICPE et qui soumettait l’hydrogène au régime de la déclaration des ICPE, qui sera remplacée à compter du 1er juin 2015 par la rubrique n°4715 Hydrogène.
La Direction Générale de la Prévention des Risques aurait dans ce contexte également indiqué vouloir intégrer la rubrique 4715 dans le régime d’enregistrement des ICPE (régime dit d’autorisation simplifiée) en respectant les obligations imposées par la directive relative aux émissions industrielles (Directive IED) et « dans le cadre d’une réflexion globale sur l’hydrogène qui est fabriqué et stocké dans des petites installations énergétiques ».
Cette réflexion sur le stockage de l’hydrogène dans des petites installations énergétiques est encourageante.
Nous vous renvoyons à ce titre vers un article que nous avions publié sur le blog en mai 2014 « Vers le lancement d’une filière hydrogène française » dans lequel nous faisions déjà le souhait de la levée des verrous réglementaires et notamment de l’adaptation de la réglementation à l’hydrogène, utilisé comme un vecteur énergétique (par opposition à l’hydrogène compris dans un usage industriel).
Nous vous invitons en conclusion à consulter les présentations données lors du colloque du 7 novembre 2014 au Sénat sur le site de l’AFHYPAC et restons à disposition pour toute clarification.
Perrine TISSERAND, avocate
Cabinet GERANDO AVOCATS