Variante non autorisée ou précision technique acceptable dans les marchés publics de performance énergétique

Dans le cadre d’une procédure de passation d’un marché public de performance énergétique (MPPE, article 73 du Code des Marchés Publics), il peut être parfois difficile d’apprécier la validité d’une offre qui comporte des solutions techniques dont on ne distingue pas forcément si elle est une variante non autorisée ou une précision technique parfaitement acceptable.

C’est le cas par exemple des actions d’amélioration de la performance énergétique qui doivent être techniquement décrites dans l’offre du candidat, laissant à ce dernier une certaine marge de manœuvre pour proposer des solutions adaptées mais en se conformant au cahier des clauses techniques particulières (CCTP).

La jurisprudence apporte quelques réponses, notamment pour comprendre la différence entre une variante non autorisée ou « une alternative » qui doit être rejetée, et une précision technique acceptable.

 

LES TEXTES ET LA JURISPRUDENCE EN MATIERE DE VARIANTE NON AUTORISEE

En matière de variante non autorisée, il faut d’abord se référer au I de l’article 50 du code des marchés publics qui dispose : « Pour les marchés passés selon une procédure formalisée, lorsque le pouvoir adjudicateur se fonde sur plusieurs critères pour attribuer le marché, il peut autoriser les candidats à présenter des variantes. Le pouvoir adjudicateur indique dans l’avis d’appel public à la concurrence ou dans les documents de la consultation s’il autorise ou non les variantes ; à défaut d’indication, les variantes ne sont pas admises. / Les documents de la consultation mentionnent les exigences minimales que les variantes doivent respecter ainsi que les modalités de leur présentation. Seules les variantes répondant à ces exigences minimales peuvent être prises en considération ».

En vertu de ces dispositions, si les candidats peuvent être autorisés par le pouvoir adjudicateur à présenter des variantes , lesquelles constituent des modifications, à l’initiative des candidats, de spécifications prévues dans la solution de base décrite dans les documents de la consultation, ils sont en revanche tenus, dans le cas où le pouvoir adjudicateur ne leur a pas offert cette possibilité, de présenter une seule offre qui doit être conforme aux exigences des documents de la consultation.

Ainsi, si le règlement de consultation (RC) de la procédure de passation du marché public de performance énergétique n’autorise pas de variante tel que cela résulte clairement d’une mention de type : « le marché ne fait pas l’objet de variante », auquel s’ajoute souvent également l’interdiction de présenter une option au titre d’une mention de type: « le marché ne fait pas l’objet d’option », le candidat ne pourra pas ici proposer de variante, sauf à rendre son offre irrégulière.
Pour être parfaitement complet sur les textes et la jurisprudence applicable en matière de variante non autorisée, il convient toutefois de citer ici la circulaire du 14 février 2012 relative au Guide de bonnes pratiques en matière de marchés (même dans sa version mise à jour en 2014) qui évoque l’hypothèse où une variante prohibée aurait néanmoins été proposée.
Sur ce point, la circulaire estime que « toute proposition de variante, lorsqu’elle n’est pas autorisée (procédures formalisées) ou lorsqu’elle est expressément interdite (procédures adaptées), doit être rejetée, sans examen » et ajoute que « si la variante est déposée avec une offre de base, celle-ci pourra, en revanche, être acceptée, à condition qu’elle soit complète, individualisée, distincte de la variante et conforme au cahier des charges ».

Le Conseil d’État remet en cause cette appréciation de l’Administration en jugeant que c’est commettre une erreur de droit que de considérer qu’une proposition de base devait être regardée comme recevable, alors que l’offre comportait, contrairement à ce que prévoyait le règlement de la consultation, deux variantes en sus de la proposition de base :
« Considérant, d’autre part, qu’il résulte de l’instruction que la société V.Y.P. Affichage et Communication a proposé au soutien de son offre plusieurs dessins et modèles pour les différents types de mobiliers urbains, notamment les panneaux publicitaires et les abris voyageurs, dont le marché prévoyait la fourniture, l’installation et l’entretien, alors même qu’aucun des documents de la consultation n’autorisait les candidats à proposer, pour chaque type de mobilier, différents modèles ou « design », et que, par un courrier du 1er août 2011 adressé à tous les candidats, la COMMUNE DE VILLIERS-SUR-MARNE avait indiqué à ces derniers qu’il n’était pas possible de proposer plusieurs design ; que, même si les différents dessins et modèles proposés par la société V.Y.P. Affichage et Communication ne pouvaient être regardés comme des variantes au sens des dispositions précitées de l’article 50 du code des marchés publics dès lors qu’ils ne comportaient aucune modification des spécifications prévues dans la solution de base décrite dans les documents de la consultation, la société V.Y.P. Affichage et Communication n’en a pas moins méconnu ces documents en s’abstenant d’indiquer au pouvoir adjudicateur, pour chaque type de mobilier urbain exigé, le mobilier qu’elle entendait proposer, et en le mettant ainsi dans l’impossibilité d’apprécier son offre sur ce point et de faire application du critère de jugement des offres relatif à la valeur esthétique des mobiliers ; que, par suite, la société V.Y.P. Affichage et Communication n’est pas fondée à soutenir que la COMMUNE DE VILLIERS-SUR-MARNE a manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence en rejetant son offre comme irrégulière » (arrêt rendu par Conseil d’Etat, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 12-03-2012, n° 353826 353987).

En résumé, une offre contenant de simples alternatives non prévues par le cahier des charges n’est ni une variante, ni une offre de base régulière et doit être rejetée. Et la possibilité de considérer comme régulière une offre de base accompagnée d’une variante prohibée est plus que douteuse.

 

APPLICATION

Reste qu’il faut analyser ces textes et cette jurisprudence (particulièrement stricts) au regard des éléments intrinsèques de l’offre du candidat et ne pas, compte tenu de la particularité des marchés publics de performance énergétique qui laissent aux candidats une assez grande latitude quant à la conception de leur projet énergétique, sanctionner une variante qui n’en serait finalement pas une.

La question est alors de savoir s’il s’agit d’une variante ou simplement d’une précision technique de ce qui peut être fait dans le cadre des solutions techniques à mettre en œuvre pour améliorer la performance énergétique du bâtiment.

Le Conseil d’Etat a en effet jugé « qu’aux termes du II de l’article 50 du code des marchés publics : Pour les marchés publics passés selon une procédure adaptée, lorsque le pouvoir adjudicateur se fonde sur plusieurs critères pour attribuer le marché, les candidats peuvent proposer des variantes sauf si le pouvoir adjudicateur a mentionné dans les documents de consultation qu’il s’oppose à l’exercice de cette faculté (…) ; que pour l’application de ces dispositions, des variantes constituent des modifications, à l’initiative des candidats, de spécifications prévues dans la solution de base décrite dans les documents de la consultation ; que le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble ayant souverainement interprété les stipulations de l’article 2.4 du règlement de la consultation comme imposant aux candidats de compléter le cahier des clauses techniques particulières en proposant une rédaction complète des chapitres A 4 , description du procédé de déclenchement proposé par le candidat, ainsi que de ses ouvrages constitutifs et de leurs caractéristiques de fonctionnement , B 6 , provenance et qualité des matériels et matériaux constituant le dispositif de déclenchement et C 7 , installation et mise au point des dispositifs de déclenchement , il a en conséquence inexactement qualifié de variantes ces précisions que devaient apporter les candidats sur les moyens techniques mis en oeuvre pour exécuter le marché » (Conseil d’État, N° 343206, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 5 janvier 2011).

En résumé, dès lors que le candidat respecte le cahier des charges en proposant des précisions et des explications sur les actions d’amélioration de performance énergétique techniquement prévues, en chiffrant ces actions dans une offre de base sans variante ou « alternative », il ne saurait lui être reproché d’avoir remis une offre irrégulière.


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