Questions/réponses sur la Société d’Economie Mixte à Opération unique (SEMOP)

Nous sommes interrogés régulièrement sur ce nouveau type d’instrument à l’usage des collectivités qu’est la Société d’Economie Mixte à Opération unique (SEMOP), institué par l’article L.1541-1 du CGCT (L. n° 2014-744 du 1er juillet 2014, art. 1er).

Nous vous livrons quelques éléments de réponses aux questions les plus couramment posées.

Dans le cadre d’une procédure de passation pour la sélection d’un actionnaire privé d’une SEMOP, le candidat à cet actionnariat doit-il présenter une offre d’exécution des travaux/prestations  pour lesquels la SEMOP a été prévue ?

Les critères de sélection du candidat actionnaire

La procédure de passation est unique et doit être conforme à celle applicable au contrat qui sera exécuté par la SEMOP : marché public, DSP, concession de travaux, concession d’aménagement.

Les procédures applicables (cf. article précédent sur ce blog : http://bertranddegerando.com/2015/02/24/quest-ce-que-la-semop-2/) devront donc être respectées par la collectivité, dans toutes leurs dimensions.

Ce qui implique que les critères de sélection devront être choisis par la collectivité dans ceux connus au titre de ces procédures de passation.

Pour les critères les plus connus d’entre eux au stade par exemple de la sélection des candidatures d’un marché public, les critères de capacités techniques, professionnelles et financières mentionnés dans l’AAPC ou le règlement de consultation, seront bien entendu pris en compte.

En suivant et toujours dans notre exemple, les candidats recevables au titre des critères de sélection des candidatures devront répondre ensuite aux critères liés à leur offre, soit à des critères appropriés au marché et non discriminatoires tels que le prix, la valeur technique, le caractère esthétique et fonctionnel, les performances en matière de protection de l’environnement, les performances en matière de développement des approvisionnements directs de produits de l’agriculture, les performances en matière d’insertion professionnelle des publics en difficulté, le coût global d’utilisation, les coûts tout au long du cycle de vie, la rentabilité, le caractère innovant, le service après-vente et l’assistance technique, la date de livraison, le délai de livraison ou d’exécution, la sécurité d’approvisionnement, l’interopérabilité et les caractéristiques opérationnelles ; soit au critère unique du prix si l’objet du marché le justifie.

Toutefois, la sélection de l’actionnaire privé dans la SEMOP procèdera d’un critère supplémentaire et obligatoire lié au « coût prévisionnel global de l’opération pour la collectivité » et « sa décomposition », prévu par l’art. 1541-2 du CCGT. Et ce critère est « apprécié », dit le texte, « en tenant compte de la souscription au capital et au financement de la SEMOP ». Finalement ce critère spécifique et obligatoire est bien en relation directe avec le fait qu’au-delà de la sélection du candidat au contrat, celui-ci doit être également sélectionné au regard de ce qui sera ses engagements en qualité d’actionnaire privé, notamment compte tenu de la répartition capitalistique, du financement, et des gains espérés.

Et c’est le document de préfiguration rédigé par la collectivité qui en donnera les fondements au double titre d’une part, des principales caractéristiques de la SEMOP (la part du capital, les règles de gouvernance, les modalités de contrôle, le pacte d’actionnaire, les règles de dévolution du boni ou non à la dissolution de la société) et d’autre part, du coût global de l’opération.

Certains y voient ici un document de préfiguration sur le même modèle que le document d’évaluation préalable du contrat de partenariat (analyse économique et financière, comprenant des prévisions de loyers, un chiffrage en coût complet retraçant les coûts de programmation, de conception, de réalisation, de financement et de fonctionnement du projet, une actualisation, comprenant notamment la période et le taux retenu, et une estimation des coûts en valeur actuelle des flux nets de décaissement pour la collectivité).

Mais à notre avis, il conviendra que la collectivité intègre désormais la dimension sociétale du projet et pas seulement contractuel, de sorte que son évaluation tienne compte des aspects actionnarial, comptable et fiscal de la société à l’effet que le candidat présente non pas un budget prévisionnel d’encaissements et de décaissements (type comptabilité de caisse!) mais bien un véritable bilan prévisionnel, voire un business plan.

La SEMOP n’a pas en effet pour vocation à simplement équilibrer son budget, ce qui reviendrait à se rapprocher de la DSP. L’information des actionnaires en fin d’exercice nécessite plus que le simple rapport annuel du délégataire à la collectivité… Quid par exemple des bénéfices réalisés et leur affectation : mise en réserve, distribution de dividendes, constitution d’une trésorerie rémunérée,  recapitalisation, etc… ce qui n’a rien à voir avec la simple gestion figée pour ne pas dire « bloquée » d’un compte de gros entretien et de renouvellement (GER) dans une DSP (par exemple pour une DSP de chauffage urbain).

Ainsi, si la sélection des offres se fera sur la base d’une offre présentée au titre de l’exécution du contrat, avec un prix pour un marché public et un tarif et des coûts pour une DSP, comme ce qui est connu classiquement en la matière, la dimension sociétale (déf. : qui se rapporte à la structure, à l’organisation ou au fonctionnement de la société) et notamment la dimension actionnariale (qui renvoie à l’affectio societatis : qu’est-ce que l’on veut faire ensemble dans la SEMOP ?) engageront les candidats à présenter un prévisionnel (de type par exemple de ceux présentés à un établissement bancaire, mais il en existe plusieurs modèles comptables, financiers, etc…), voire pourquoi pas un business plan (regroupant l’étude de marché, la stratégie commerciale et les choix juridiques, par exemple pour la construction et l’exploitation d’un stade). Ce qui permettra in fine d’envisager ce que sera le coût global de l’opération pour la collectivité, non pas seulement en sa qualité de cocontractante (ce qui est facile à déterminer au titre du contrat), mais aussi et surtout en sa qualité d’actionnaire de la SEMOP (l’article L 1541-2 III et IV du CGCT insiste en effet sur le coût « global » de l’opération apprécié en tenant compte de la « souscription au capital » et au « financement » de la SEMOP).

Pour résumé, les deux volets de la procédure de passation « contrat » et « actionnariat » sont bel et bien imbriqués pour le choix du candidat futur actionnaire, ce qui rejoint la volonté de la Commission européenne de ne pas voir mettre en œuvre une double procédure de passation, la première liée à la sélection du partenaire privé et la seconde liée à l’attribution du contrat, mais une seule et même procédure (à lire impérativement  la communication interprétative de la Commission européenne sur les PPPI du 5/2/2008 n° C(2007)6661).

L’exécution des travaux ou prestations

Pour respecter les principes fondamentaux de la commande publique relatifs à la transparence et l’égalité des candidats, il apparaît essentiel que le candidat sélectionné, qui devient actionnaire de la SEMOP, devienne par la suite, pour l’exécution d’un marché de travaux, le cocontractant de la SEMOP.

Ce qui est vrai toutefois pour des travaux, l’est moins pour des prestations de service de type « exploitation », telles que la gestion d’un service public sans construction d’un ouvrage (pour le chauffage urbain en affermage par exemple où les travaux sont essentiellement des travaux de maintenance et où les prestations de gestion consistent à de l’achat de l’énergie, de la facturation, etc…). On imagine moins en effet dans ce dernier cas que la SEMOP n’intègre pas dans son activité la gestion du service public lui-même et que finalement, elle ne prenne pas part à l’exécution de l’objet du contrat en confiant toute la gestion du service public (même la facturation…) à l’actionnaire privé dans le cadre d’un sous contrat.

Il faut donc s’attendre à faire appel au mécanisme de  mise à disposition de personnels et de matériels (possible même pour la collectivité qui peut mettre à disposition un fonctionnaire), sous réserve du respect du droit du travail et du droit de la sous-traitance, à des apport en nature (possible même pour la collectivité sauf particularismes pour les biens du domaine public), ou encore à l’embauche de personnels ou à l’acquisition de biens directement au sein de la SEMOP.

Cela suppose bien sûr la description de ces éléments en phase de consultation et que la collectivité ait ainsi rédigé un cahier des charges très complet afin que le candidat lui-même y réponde de manière très précise. Car il ne s’agit plus pour l’opérateur économique de gérer seule par la suite les incidences de ses engagements pris au titre du cahier des charges, ce qui lui laissait, on le sait, une certaine souplesse d’actions,  mais il s’agit bel et bien désormais de rendre des comptes à son actionnaire public, même minoritaire sur les engagements pris au stade de la passation et au cours des assemblées ou des réunions d’associés, alors surtout que cet actionnaire public est aussi le cocontractant de la SEMOP au titre du contrat.

Finalement s’il n’y a pas véritablement de changement quant aux prescriptions des cahiers des charges que l’on connaît dans le cadre des marchés publics ou des DSP et sur la précision des travaux et des prestations à effectuer, non plus de changement qu’en au prix du marché, aux coûts à prévoir dans la DSP  (redevances, surtaxes, etc.) et aux recettes (tarifs), il s’avèrera primordial que l’offre intègre la dimension sociétale liée à la création et à la vie de la SEMOP, avec la présence d’un actionnariat public-privé au terme duquel l’actionnaire public doit pouvoir espérer, au même titre que l’actionnaire privé, des bénéfices et pas seulement l’équilibre budgétaire.

Il est parfaitement possible dans ce cadre de présenter la candidature d’un groupement regroupant toutes les compétences pour l’exécution du contrat. Ainsi  de présenter un groupement regroupant tous les lots pour les travaux et ou toutes les entreprises et fournisseurs pour l’exécution du service public. Pourquoi pas par exemple pour le chauffage urbain y intégrer un cotraitant au titre de la fourniture de l’énergie (fioul, gaz) qui aura défini préalablement des formules de prix pour ce contrat. Dans ce cas, lorsque le groupement candidat deviendra actionnaire, n’ayant pas la personnalité morale, c’est chaque cotraitant qui deviendra actionnaire de la SEMOP (ce qui est parfaitement possible car la SEMOP doit être constituée d’au moins un actionnaire opérateur économique). Mais si le groupement à la personnalité morale et que la procédure de passation accepte la candidature de cette personne morale, on ne voit pas pourquoi la SEMOP ne pourrait pas avoir cet opérateur économique comme actionnaire. Toutefois, il apparaît important que ce groupement ne soit pas alors une simple coquille vide. Ce qui comporte donc des obstacles à la candidature d’une SPV comme candidate à l’actionnariat, voire d’un GIE ou une association ou tout autre structure n’apportant en l’état aucune garantie pour l’exécution du contrat (capacité professionnelle, techniques et financières), sauf indirectement celles de ses membres…

On comprend de toute façon, compte tenu de la prééminence des procédures de passation,  que le candidat devra en tout état de cause avoir les compétences professionnelles, techniques et  financières pour exécuter les travaux ou la prestation et qu’un simple opérateur économique financier (type fonds d’investissements, bailleurs de fonds ou foncière…) aura du mal à se présenter seul dans ce type de contrat sans voir sa candidature rejetée. On ne comprendrait pas en effet que sous couvert de la SEMOP, cet investisseur qui n’a aucune compétence, sauf la seule capacité financière, puisse contourner les règles de la commande publique en faisant exécuter le contrat par des tierces personnes non candidates dans la procédure initiale, qui ne seraient pas mises en concurrence dans le cadre de la passation des sous contrats, et avec le risque finalement d’une spéculation sur  le contrat public.

 

Comment la SEMOP va choisir les entreprises avec lesquelles elle exécutera son objet ?

C’est là en effet tout l’intérêt de la formule de la SEMOP qui doit garantir à l’actionnaire public un actionnariat privé qui possède les compétences pour l’exécution du contrat, celui-là même pour lequel la SEMOP a été créée. L’objet de la SEMOP est bien, rappelons-le, l’exécution d’un contrat pour le compte de ses actionnaires.

Ainsi et à partir du moment où le candidat a présenté une offre et a été désigné attributaire du contrat sur la base de cette offre et selon une procédure de mise en concurrence conforme à la nature du contrat, même s’il y a substitution de la SEMOP pour l’exécution du contrat, il apparaît évident que le candidat devenu actionnaire doit être privilégié dans le cadre du ou des sous contrats éventuels, sans obligation d’une nouvelle procédure de mise en concurrence. Une nouvelle mise en concurrence dans le cadre du ou des sous contrats passés par la SEMOP ferait perdre tout intérêt à la participation des opérateurs privés à ce type procédure.

De surcroît, une nouvelle mise en concurrence  organisée par la SEMOP serait susceptible, même en respectant une procédure transparente, de laisser penser que le candidat devenu actionnaire n’avait finalement pas l’intention d’exécuter le contrat mais seulement d’être un actionnaire purement passif, voire avec une seule intention spéculatrice à l’intérieur… et ce, en violation du principe d’exécution « intuitu personae » du contrat administratif, qui en l’espèce est déjà partiellement remis en cause par le mécanisme de la SEMOP (le candidat attributaire n’est pas en effet le signataire du contrat…il est cependant heureusement l’actionnaire de la SEMOP, ce qui limite l’atteinte à ce principe).

La question de la remise en concurrence des sous contrats liés directement à l’exécution du contrat initial ne devrait pas ainsi se poser puisque l’actionnaire a candidaté pour les travaux et les prestations de ce contrat dans le cadre de la procédure de mise en concurrence.

Toutefois, entre l’esprit de cette loi et le droit de la commande publique, il faudra certainement appliquer ce dernier, car pour reprendre l’expression qui a qualifié un temps la SEMOP, désignée comme une « SEM-contrat », le contrat doit toujours être placé au cœur du dispositif.

La SEMOP a d’ailleurs pour objet unique, l’exécution du contrat.

Il faut donc imaginer également en pratique que la SEMOP passera, soit de manière accessoire, de petits sous contrats de fournitures et de services en cours de vie de la SEMOP (informatique, bureautique, prestations d’ingénierie spécifiques par exemple), soit de manière principale, d’importants sous contrats de travaux, de services et de fournitures qui n’ont pas été prévus initialement ou pour lesquels l’actionnaire de la SEMOP n’a pas fait d’offre (grosse intervention sur un réseau ou grosse réparation d’une cuve de stockage de carburant, d’une chaudière par exemple, voire renouvellement d’un matériel).

Les règles applicables seront alors celles de la commande publique:

– si la collectivité est actionnaire majoritaire ou exerce une influence déterminante dans la SEMOP, elle sera qualifiée de pouvoir adjudicateur ou d’entités adjudicatrices soumise à l’ordonnance du 6 juin 2005;

– si la collectivité est minoritaire mais que la SEMOP est opérateur de réseaux au sens de l’article 26 de l’ordonnance du 6 juin 2005, elle y sera également soumise ;

– dans les autres cas et si la collectivité est minoritaire, les sous contrats seront passés dans la forme des contrats de droit commun, sauf dispositions particulières liées au contrat passé avec la collectivité.

De sorte qu’effectivement il conviendra pour le candidat, dans le cadre de la procédure de mise en concurrence, si la dépense est prévisible, de prévoir ses cocontractants, ses sous-traitants et ses fournisseurs, dès la phase de consultation, ce qui pourra rentrer dans le critère du coût global de l’opération. Et, il conviendra pour le candidat de prévoir dans sa  candidature, auprès de ses cocontractants,  la possibilité pour lui de voir substituer la SEMOP. La limite au recours à des sous contrats est que la SEMOP prennent « directement » (le texte ne le précise pas, mais l’esprit de la loi est celui-là, l’actionnaire pouvant continuer bien sûr à prendre lui des participations dans des sociétés commerciales…) des participations dans des sociétés commerciales, ce qui n’empêchera donc pas de faire intervenir les filiales de l’actionnaire privé en qualité  de cocontractants dans le cadre des procédures applicables précitées selon que la SEMOP est soumise ou non à l’ordonnance du 6 juin 2005.

Comme il a été dit précédemment, cette analyse devra  être affinée en considération de la nature du contrat passé avec la SEMOP.

Par exemple si la SEMOP est concessionnaire de travaux ; elle sera soumise à des règles de publicité et de mise en concurrence pour la passation de ses contrats de travaux avec des tiers, en dehors des travaux et des prestations prévus initialement (l’article 14 de l’ordonnance n° 2009-864 du 15 juillet 2009 relative aux contrats de concession de travaux publics dispose que « la passation des marchés de travaux mentionnés au 3° du II de l’article 12 – qui vise les marchés des concessionnaires qui ne sont soumis ni au code des marchés publics ni à l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 – est soumise à des obligations de publicité dans les conditions et sous réserve des exceptions définies par voie réglementaire ».

Par exemple encore, un auteur rappelle avec raison que lorsque la SEMOP interviendra dans le domaine des secteurs spéciaux (eau, énergie, transport et services postaux) en qualité d’entité adjudicatrice et contractera avec une entreprise liée, dans ce cas alors la mise en concurrence des sous contrats devra être écartée pour tenir compte des logiques de groupe (dir. 2014/25/UE du 26 février 2014, art. 29).

Ainsi, en affinant l’analyse à telle ou telle nature de contrat dévolu à la SEMOP, on s’aperçoit que le droit de la commande public règlera souvent de lui-même ces questions.

 

Qui financera la réalisation de l’objet la SEMOP ? Les fonds propres de la SEMOP seront-ils essentiellement portés par l’actionnaire opérateur ? Le financement peut-il être une composante de l’objet de la SEMOP ?

L’objet de la SEMOP étant le contrat, c’est en principe le contrat qui doit permettre le financement de la SEMOP. Et l’exécution du contrat ne doit pas seulement tendre à ce titre à l’équilibre mais permettre de dégager une marge permettant de prendre des décisions de mise en réserve, de réinvestissements, de distribution de dividendes, etc. comme la vie d’une société commerciale le prévoit.

La SEMOP sera susceptible dans ce cadre de financer son objet en constituant de la dette qui pourra être garantie par des mécanismes classiques.

Prenons l’exemple d’une SEMOP qui aurait pour objet la réalisation d’une centrale photovoltaïque en toiture d’un ou de plusieurs  Lycées et qui, quand bien même la concession de travaux dont la SEMOP est titulaire est attributive au bénéfice du concessionnaire d’une convention d’occupation temporaire du domaine public scolaire de la collectivité territoriale pour une durée équivalente à celle de la concession de travaux, cette concession peut ne pas être attributive pour le concessionnaire de droits réels sur le domaine public de la collectivité territoriale. Pour cela, il eut fallu, soit que les dispositions législatives qui réglementent la concession de travaux (art. L 1415-1 et s du CGCT) le prévoient expressément en cas d’occupation du domaine public (comme il est indiqué à l’article L 1414-16 du CGCT pour les contrats de partenariat), soit que la concession de travaux soit assortie d’un titre juridique non détachable ayant cet effet (par ex., une AOT des articles L 1311-5 et s du CGCT ou un BEA des articles L 1311-2 et s du même code).

D’où alors, la possibilité de pallier cette situation par le recours aux sûretés traditionnelles offertes par le droit privé et utilisées fréquemment dans les conventions de DSP, outre la garantie de la collectivité actionnaire au contrat d’emprunt ou un apport en nature de la toiture dans la SEMOP (en jouissance, en usufruit, voire par un déclassement du domaine public : plusieurs formules sont imaginables mais pas forcément viables juridiquement et chaque cas devra être étudié in concreto …).

En conséquence, le concessionnaire de travaux peut ici imaginer proposer aux banques :

– une cession des créances nées de l’exécution des contrats d’achat d’électricité,

– un nantissement des actions de la société concessionnaire au profit des prêteurs qui en prennent possession en cas de défaillance dans le remboursement des emprunts,

– un nantissement des comptes de la société concessionnaire, consistant à faire transiter les recettes de l’entreprise par des comptes nantis au profit des banques, lesquelles peuvent ainsi prélever directement les fonds nécessaires au remboursement des emprunts qu’elles ont consentis,

– une délégation aux banques de l’indemnité de résiliation anticipée pour un motif d’intérêt général de la convention, leur permettant de se prémunir contre les conséquences d’une telle situation,

– un engagement de la part des actionnaires de la société concessionnaire de maintenir le niveau d’avances d’associés nécessaire au remboursement des emprunts.

– un nantissement des biens de la société concessionnaire permettant aux prêteurs de disposer de ces derniers en cas de défaillance de paiement. Mais, dans ce dernier cas, encore faut-il, pour que cette sûreté ait une réelle portée, que les biens en question aient une réelle valeur en dehors de l’exploitation du service concédé.

Or, de ce point de vue, si la société concessionnaire ne dispose effectivement pas de droits réels sur le domaine public occupé, il n’en demeure pas moins que, selon une jurisprudence constante et souvent réaffirmée, la société occupante est bien propriétaire, pendant toutes la durée de la convention d’occupation, des installations et ouvrages qu’elle construit sur le domaine public pour ses besoins propres (CE, 4 mars 1991, Mme Palanque, Rec. Tab. P. 576 ; CE, 27 février 1995, Secrétariat d’Etat à la mer c/ Torre, Rec. p. 109). C’est ce qu’indique très clairement la jurisprudence fiscale du Conseil d’Etat lorsqu’elle décide que « l’appropriation privative d’installations superficielles édifiées au acquises par le titulaire d’une autorisation d’occupation temporaire du domaine public n’est pas incompatible avec l’inaliénation de celui-ci, lorsque l’autorisation de l’occuper et d’y édifier des constructions ou d’acquérir les constructions existantes n’a pas été accordée en vue de répondre aux besoins du service public auquel le domaine est affecté » (CE, 21 avril 1997, Ministre du Budget c/ Sté SAGIFA, RFDA 1997, p. 935, note E. Fatôme et Ph. Terneyre ; CE, 23 juillet 2010, Sté Neville Foster Delaunay Belleville, n° 320188 ; Dr. Adm. 2010, n° 140), ce qui est le cas ici pour l’exploitation d’une centrale photovoltaïque en toiture d’un Lycée, mais qui peut être le cas pour bien d’autres contrat d’exploitation susceptible d’être confiée à une SEMOP.

Dès lors que la société concessionnaire est ainsi propriétaire des équipements photovoltaïques qu’elle installe sur le toit du Lycée pendant toute la durée du contrat de concession, il  semble que les banques (qui, il est vrai, ne « croient » pas toujours à cette jurisprudence ou ne la connaissent pas) ne devraient faire aucune difficulté à accepter le nantissement de tels biens, sûreté dont la valeur ne serait ici, ni moins, ni plus forte que, par exemple, la cession de droits réels sur le domaine public, eu égard au fait que, dans les deux cas, la valeur de la sûreté est plus liée au titre lui-même qu’à sa substance et à la possibilité que la banque aurait à la réaliser (il vaut d’ailleurs peut-être mieux pour une banque être propriétaire pendant 25 ans de panneaux photovoltaïques que d’être titulaire d’un droit réel sur le domaine public dont elle ne saurait quoi faire…).

Ainsi, et pour conclure, quand bien même la SEMOP concessionnaire de travaux ne serait pas titulaire de droits réels sur le domaine public concédé par la collectivité, il semble qu’elle puisse présenter aux banques des garanties suffisantes (à commencer par le contrat lui-même) pour que ces dernières acceptent de financer la construction des installations prévues par le contrat.

A ce titre, si le financement participera à évaluer le critère « du coût global de l’opération pour la collectivité », il est difficile de penser que celui-ci puisse être une composante substantielle de l’objet de la société. Un actionnaire financeur, qui promettrait par exemple des apports en compte courant, ne devrait pas pouvoir constituer un critère de sélection autonome dans le cadre de la procédure de mise en concurrence du contrat. On se rappellera en effet que si le contrat est un marché public, la contrepartie des travaux doit être le prix versée par la collectivité ; si le contrat est une DSP, le service est financé majoritairement par l’exploitation du service et donc par les usagers du service, même si une partie du financement peut être apporté par la collectivité. Sur ce dernier point d’ailleurs et dans les limites précitées, il faut admettre que le financement pourra provenir de la collectivité au titre d’apports en compte courant voire d’après certains, d’apports en nature (problématiques de l’apport d’un bien du domaine public, en jouissance, en usufruit, dès lors que le DP est inaliénable et que l’apport est une garantie des tiers en droit des sociétés…). De sorte que le financement imaginé par le candidat ne devrait pas pouvoir être une composante substantielle de l’objet de la société. Il faudrait à notre avis le considérer dans le cadre du choix de l’actionnaire de la SEMOP comme un sous critère du critère du « coût global de l’opération pour la collectivité ».

 

Si l’opérateur économique, actionnaire, est directement ou indirectement concerné par l’exécution des travaux/prestations, qu’en sera-t-il des contestations et réclamations élevées dans le cadre de leur exécution ?

La question est intéressante notamment au titre des sanctions financières du contrat et plus particulièrement des pénalités prévues audit contrat.

La question se pose d’abord du côté de la collectivité qui pourrait devoir appliquer des pénalités à la SEMOP alors qu’elle en est elle-même actionnaire. La collectivité ne pourra pas abuser de cette situation privilégiée pour ne pas appliquer des pénalités, dès lors qu’une telle attitude pourrait se voir qualifier de libéralité faite illégalement à une personne privée et qu’en toute hypothèse les pénalités sont le plus souvent mises en œuvre automatiquement (ex. des pénalités de retard) suite au seul constat du retard (par ex. dans le cadre de la seule décision de la maîtrise d’œuvre).

On ne voit pas très bien dès lors comment l’actionnaire privé pourrait influer sur la décision de la collectivité en cette matière, sauf à la SEMOP d’utiliser les procédures prévues au contrat pour contester en bonne et due forme ces sanctions financières dans l’intérêt de la société. Cette décision de l’actionnaire majoritaire devra être respectée par l’actionnaire minoritaire.

Pour régler ces difficultés, certains pensent mettre en œuvre des clauses incitatives plutôt que coercitives qui modifieraient la relation des cocontractants dans une approche plus consensuelle et profitable pour les actionnaires au sein de la SEMOP.

La question se pose ensuite  du côté de l’opérateur économique et du sous contrat signé avec la SEMOP pour l’exécution d’une partie des travaux ou de la prestation. On parle volontairement d’une « partie » des travaux ou des prestations car il est difficilement imaginable que la SEMOP puisse être une coquille vide dans laquelle il n’y ait pas de personnel ou de matériel pour l’exécution du contrat.

L’intérêt de la SEMOP étant de pouvoir à tout moment sanctionner son cocontractant dans le cadre de l’exécution du sous contrat si ce dernier n’exécute pas les travaux ou la prestation qui lui incombent (ce qui devrait être une situation rare en pratique sauf la situation d’un actionnaire privé défaillant à tous les stades), la SEMOP n’a pas intérêt à sous contracter avec cette actionnaire sans prévoir des clauses coercitives de pénalités. Une décision de la part de l’opérateur économique contraire à ce titre aux intérêts de la société pourrait se voir sanctionner par les autres actionnaires, même minoritaires. Sur ce point, si la minorité de blocage dont va bénéficier nécessairement la collectivité au titre de la Loi n’aura pas d’incidence sur la gestion quotidienne et la direction de la SEMOP, certains imaginent déjà de prévoir des statuts plus favorable à l’actionnaire minoritaire : préférence de la SA avec directoire et conseil de surveillance plutôt qu’avec un conseil d’administration, actions de préférence pour aménager le droit de vote par rapport à la détention du capital ou bien encore mise en place de pactes d’actionnaires dans lesquels, au-delà des statuts il est prévu des modalités particulières de prises des décisions stratégiques, les règles de règlement des conflits à venir, une information régulière de l’actionnaire minoritaire (tableau de bords, …), etc.

 

La répartition des risques sera-t-elle fonction de la participation au capital ?

En droit des sociétés en effet la règle est que le pouvoir appartient à ceux qui contrôlent le capital, la participation au capital donne la clé de répartition du pouvoir politique, de même qu’elle donne la clé de la répartition des droits financiers.

Le législateur a estimé ici qu’en réservant la présidence du CA ou du Conseil de surveillance à un représentant de la collectivité actionnaire, cela garantira la maîtrise politique de la SEMOP quel que soit le niveau de détention du capital, ce dont chacun sait qu’il n’en est rien, puisqu’en cela il n’en assume pas la maîtrise juridique : rapport de force inégal entre l’actionnaire minoritaire et l’actionnaire majoritaire…

Les statuts et le pacte d’actionnaires proposés par la collectivité et la procédure de négociation devront tendre ainsi au meilleur équilibre des intérêts publics et privés.

Reste que cette négociation ne pourra se faire que dans le respect des caractéristiques essentielles de la SEMOP fixés préalablement par la collectivité dans le document de préfiguration.

En tout état de cause, quels que soient  les mécanismes d’atténuation de la règle susvisée, il serait difficilement acceptable que la collectivité puisse avoir la majorité du capital sans en supporter le risque. Ce que n’accepteront pas les opérateurs économiques sauf quelques très rares opérateurs téméraires ou peu scrupuleux et alors, au premier incident, la SEMOP sera liquidée et la collectivité subira les actions réservés aux créanciers : responsabilité civile de l’élu à titre personnel d’un mandat social (art. L225-251 C. Com) ; responsabilité civile de l’élu mandataire de l’actionnaire public avec transfert à la collectivité locale (art. L225-20 C. Com, art. 1524-5 al.8 du CGCT), responsabilité civile de l’élu local en cas de faute détachable du service (TC 3à juillet 1873, Pelletier ; art. L1524-5 CGCT) ; faillite personnelle de l’élu nonobstant le transfert de responsabilité à la collectivité (art.635-8 du C. com) ; délit de banqueroute contre le représentant permanent de l’actionnaire public majoritaire (art. L654, Cass. Crim. 2 juin 1999 n° 98-81454) ; action pour insuffisance d’actif contre l’actionnaire public en cas de faute de gestion commise par le dirigeant suite à un comportement critiquable selon les règles commerciales (art. L651-2, al. 1 C. com).

La logique est donc bien que plus la collectivité augmente sa participation dans le capital de la société, plus elle doit supporter les risques de l’opération. Si elle n’accepte pas cette logique, il est fortement conseillé à la collectivité d’abandonner la formule de la SEMOP pour son opération et de reconsidérer les formules traditionnelles de dévolution des travaux publics  ou des services publics, ou la formule de la DSP directement conclu avec un opérateur économique, « à ses risques et périls »…

 

Qui supportera les garanties de bonne fin et autres ? Peux-t-on voir apparaître des mécanismes de contre garanties ? Qui va assurer les travaux/prestations ?

La SEMOP a pour objet l’exécution d’un contrat et à ce titre, elle est redevable des garanties attachés à ce contrat et celles imposées par la loi au titre de ce contrat  (garantie éventuelle à première demande, caution bancaire, etc.)

De même elle doit être assurée pour l’exécution de ce contrat si ce contrat est soumis à des assurances obligatoires (responsabilité civile, décennale, etc…).

La SEMOP devra éventuellement imaginer des mécanismes de contre garanties permettant d’éviter la mise en œuvre de garanties ou d’assurances faisant double emploi dans le cadre de l’existence de ces mêmes garanties au titre des sous contrats.

Certaines assurances évitent par exemple ce double emploi : la dommage-ouvrage couvre ainsi l’assurance décennale obligatoire.

Il faudra d’ailleurs prévoir avec les assureurs de la SEMOP (comme ce qui se fait pour les promoteurs) la mise en place d’un contrat unique pour l’opération assurant à la fois :

– la responsabilité civile vis-à-vis des tiers dans le cadre de l’activité : accident d’un tiers sur un chantier, problème avec les voisins lors d’une opération de construction, responsabilité civile exploitation,

– la responsabilité civile vis-à-vis des préposés : accident d’un salarié dans le cadre de son activité, dommages matériels au véhicule d’un préposé.

– la garantie des préjudices pécuniaires causés aux tiers résultant d’une annulation administrative du permis de construire,

– la garantie de conformité au règlement de construction,

– la responsabilité civile en cas de démolition,

– la garantie  de retards de livraison consécutifs à un sinistre garanti,

– la couverture de tout le personnel salarié ainsi que des stagiaires et des candidats à l’embauche,

– les garanties de dommages immatériels non consécutifs à un dommage matériel (préjudices financiers qui ne sont pas la conséquence directe d’un dommage matériel mais qui résultent d’un fait non accidentel tel que non-conformité, retard de livraison …).

– une garantie éventuelle d’achèvement qui assure à un acquéreur que les travaux iront à leur terme et que son bien lui sera livré. Cette dernière garantie peut être fournie par un tiers (banque, assurance),

– la garantie décennale, couverte par l’assurance dommage ouvrages. Elle garantit le remboursement et la réparation des sinistres avant même une recherche en responsabilité.

Ces coûts devront faire partie des coûts global de l’opération dont devra tenir compte la collectivité dans les caractéristiques de la société dans le cadre du document de préfiguration et devront faire le cas échéant, si la collectivité n’a pas prévu cette information, l’objet de question écrite des candidats au cours de la consultation.

 

L’objet de la SEMOP étant intangible, quid des travaux/prestations modificatifs ou complémentaires ?

L’objet unique de la SEMOP – c’est-à-dire relatif à l’exécution  « exclusive » d’un contrat – ne peut pas être en effet modifié pendant la durée du contrat, de sorte qu’il n’est pas question que la SEMOP s’écarte de ce contrat pour signer d’autres contrats avec la collectivité et développe une activité distincte.

Reste que ce principe n’exclura pas des modifications ou des compléments de travaux pour l’exécution du contrat lui-même.

Dans ce cadre, ce sont encore les règles applicables à la commande publique qui s’appliqueront, et plus particulièrement au regard de la nature du contrat signé avec la collectivité soit  un marché public, soit une DSP, soit une concession de travaux, soit une concession d’aménagement.

Un auteur indique avec clarté ce qui pourra être autorisé à ce titre (Gabriel Eckert, Pr à l’IEP de Strasbourg, AJDA 2014, p. 1941 in La SEMOP, instrument du renouveau de l’action publique locale) :

« Ces évolutions du contrat ne devront pas présenter de caractère substantiel, sauf à, imposer une nouvelle mise en concurrence [du contrat initial] et, en l’espèce, une remise en cause du montage en PPPI (sur les difficultés d’interprétation de cette condition, v. H. Hoepffner, L’exécution des marchés publics et des concessions saisie par la concurrence, Contrats Marchés publ. 2014. Etude 16). Mais, dans la mesure où les directives autorisent les modifications des contrats lorsqu’elles « ont été prévues dans les documents de marchés (ou de concession) initiaux sous la forme de clauses de réexamen » (dir. 2014/24/UE, art. 72, pt 1 a ; dir. 2014/23/UE, art. 43, pt 1 a), il conviendra d’apporter le plus grand soin à la rédaction des clauses permettant de telles évolutions. Ajoutons à cela que le droit de l’Union européenne admet que ne présentent pas un caractère substantiel les modifications d’une valeur totale inférieure à 5 160 000 € HT et portant sur moins de 15 % de la valeur du marché de travaux initial (art. 72, pt 2, de la dir. 2014/24/UE, préc.) ou de 10 % de la concession initiale (art. 43, pt 2, de la dir. 2014/23/UE). Enfin, en matière de délégation de service public, les dispositions permettant d’augmenter la durée du contrat (CGCT, art. L. 1411-2) pourraient trouver à s’appliquer. Il en est ainsi dans la mesure où le législateur, en limitant la durée de la SEMOP à celle du contrat, ne s’est pas référé à la seule durée initiale du contrat.

En tout état de cause, il est vain de croire que la passation du contrat avec la SEMOP permet de cristalliser celui-ci pour toute sa durée d’exécution. Quelles que soient les contraintes concurrentielles, le contrat est et doit rester une chose « vivante » susceptible d’évolutions, tout au moins lorsqu’elles n’affectent  pas substantiellement  les conditions initiales de  la mise  en  concurrence. C’est  là le minimum de flexibilité nécessaire au bon fonctionnement de la SEMOP. »

La Commission européenne a envisagé ces mêmes principes dans sa communication  interprétative sur les PPPI (C(2007)6661 du 05/02/2008) : « De l’avis de la Commission, le principe de transparence impose d’indiquer clairement dans le dossier d’appel d’offres les possibilités de renouvellement ou de modification du marché public ou de la concession attribuée à l’entité à capital mixte et d’indiquer des possibilités d’attribution de nouvelles tâches. Le dossier d’appel d’offres devrait indiquer au moins le nombre et les conditions d’application de ces options. L’information ainsi fournie doit être suffisamment détaillée pour assurer une mise en concurrence équitable et efficace.

Il est souhaitable que le contrat entre l’entité adjudicatrice et le partenaire privé définisse d’emblée la marche à suivre lorsqu’aucune mission supplémentaire n’est attribuée à l’entité à capital mixte et/ou lorsque celles dont il a la charge ne sont pas renouvelées. Selon la Commission, il convient de formuler les statuts de sorte qu’un changement ultérieur de partenaire privé soit possible. Comme le partenaire privé ne peut pas être exclu d’office d’une nouvelle procédure de mise en concurrence, l’entité adjudicatrice  doit  dans  ce  cas  prêter  une  attention  particulière  à  l’obligation  de transparence et à l’égalité de traitement de tous les soumissionnaires ».

Par ailleurs, s’ils font l’objet de la part de la SEMOP d’un sous contrat, ces travaux ou prestations modificatifs ou complémentaires seront en tout état de cause soumis aux règles définies plus haut à la question relatives au choix des entreprises travaillant avec la SEMOP.

 

Que va-t-il advenir des obligations destinées à perdurer après l’exécution du contrat (garanties…) ?

Il est prévu en effet clairement que la SEMOP est dissoute de plein droit au terme du contrat ou dès que l’objet de ce contrat est réalisé ou à expiré (résiliation par exemple du contrat.

La dissolution n’interviendra pas en conséquence avant en principe la pleine exécution du contrat, sauf le cas d’une résiliation qui devrait alors engager des mécanismes de reprise de l’objet du contrat par un tiers ou par la collectivité, ou l’abandon de l’objet même du contrat.

De sorte que la SEMOP ne devrait pas pouvoir être dissoute si l’objet du contrat n’est pas encore complètement réalisé alors qu’il est venu à terme (par exemple pour la levée des réserves, le parfait achèvement, en cas de prolongation pour la mise en œuvre d’une nouvelle procédure de passation d’un nouveau contrat, etc…).

De surcroît, la SEMOP devrait survivre au terme du contrat pour les besoins de sa liquidation jusqu’à la répartition du boni de liquidation ou de la prise en charge du mali éventuel.

Il faut à ce titre rappeler que  le boni de liquidation nécessite que les actifs de la société aient été réalisés, que les créanciers et le personnel aient été payés, et que les apports respectifs aient été repris.

S’il existe un boni de liquidation, les associés pourront alors le partager à concurrence de leur participation. Lorsque la liquidation est finie et que la personnalité morale a disparu, les associés sont en principe en situation d’indivision sur l’actif social qui subsiste, ce qui ne pourra être maintenu en l’état compte tenu de la présence d’un indivisaire personne publique. C’est le liquidateur qui arrêtera à ce titre les droits de chaque associé et si le boni est très important, le liquidateur pourra procéder à des distributions régulières aux associés avant la fin même de la liquidation.

Dans le cas d’un mali de liquidation, il sera déterminé la responsabilité de chaque associé dans le règlement du passif restant et ce, au regard de la proportion des apports de chaque associé.

Pendant cette phase, le liquidateur (amiable ici, c’est à dire un dirigeant désigné par les associés) engage sa responsabilité s’il n’identifie pas certaines difficultés liées à des garanties ou assurances en cours et s’il n’engage pas en justice les actions nécessaires à la liquidation.

Le liquidateur a un devoir de tenir les associés informés au moins une fois par an par le biais d’un rapport écrit, l’établissement d’un bilan et la réunion d’une assemblée générale. A la fin de la liquidation, le liquidateur doit convoquer une assemblée générale de liquidation, où les associés devront approuver les comptes définitifs et mettre fin à la personnalité morale.

Raison pour laquelle, entre le terme du contrat et  la perte de la personnalité morale de la SEMOP, le délai pourra être d’une à plusieurs années.

Ce qui permettra de mettre fin dans de bonnes conditions au moins aux garanties constituées pour l’exécution du contrat.

Quant aux contrats d’assurance souscrits pendant la période d’exécution du contrat avec la collectivité, la disparition de la personnalité morale de la SEMOP ne fera pas perdre les garanties qui y sont attachées (par exemple la garantie décennale survie bien évidemment à la liquidation judiciaire ou amiable d’une société et ce, pendant 10 ans à compter de la réception des travaux).

A toutes fins utiles, la collectivité pourra également se retourner contre les cocontractants de la SEMOP qui seront intervenus dans le cadre des sous contrats et le cas échéant contre leur assureur, sur un fondement délictuel ou quasi délictuel puisque la collectivité ne sera pas liée avec eux par contrat, voire sur d’autres fondements spécifiques liés à leurs responsabilités dans le cadre d’une action directe de droit (par ex. responsabilité du fait des produits défectueux, etc.).

En tout état de cause, il appartiendra à la collectivité territoriale d’organiser avec précision la fin du contrat notamment pour la résolution des litiges en cours. La collectivité devra prévoir les conséquences de la dissolution au-delà de ce que le texte l’oblige, c’est à dire de la seule « dévolution des actif et passif de la société… » (CGCT, art. L. 1541-2, III).

 

Dans quelles conditions la société ou le marché pourra être cédé ou transféré ? La collectivité pourrait-elle se désengager ? La répartition du capital est-elle intangible ?

L’article L1541-6 du CGCT organise en effet  la cession des actions de la collectivité en cas de fusion, de rattachement ou de transfert de compétences. La nouvelle collectivité qui accepte la reprise ne pourra rien imposer puisqu’elle sera substituée légalement au cédant dans tous les actes, délibérations, contrats et décisions en lien avec l’objet de la SEMOP. Toutefois, une telle cession d’actions à une autre collectivité ne pourra en principe entraîner une modification de la durée, sauf à modifier le contrat mais aussi les statuts. De surcroît, les actions de la collectivité doivent être cédées légalement à leur valeur nominale.

Rien n’est prévu toutefois par les textes lorsque c’est l’actionnaire privé qui souhaite céder ses actions : le pacte d’actionnaires devrait donc encadrer contractuellement la sortie de actionnaire privé, ce qui n’est pas semble-t-il interdit pas les textes sauf à respecter un certain formalisme connu en la matière.

  1. Eckert (cité plus haut) évoque cette possibilité en rappelant que la SEMOP « sera fréquemment amenée à exercer ses activités sur une longue durée, par exemple dans le cadre d’une délégation de service public. Dans ce cadre, plusieurs questions se posent. La première est celle de la cessibilité des actions détenues par l’opérateur économique. En effet, même si une telle cession est peu conforme à la logique du PPPI, il reste qu’elle n’est pas nécessairement interdite. Pour autant, et même s’il ne s’agit pas là d’une cession de contrat stricto sensu, il conviendrait qu’elle respecte les exigences du droit de l’Union européenne en la matière (dir. 2014/24/UE, art. 72 ; dir. 2014/23/UE, art. 43) et soit soumise à l’autorisation préalable de la collectivité territoriale (avis de la section des finances du CE du 8 juin 2000,n°141654, AJDA 2000. 758 , obs. L. Richer , v. aussi p. 1925 de ce numéro). Cela devrait, en tout état de cause, être organisé par le pacte d’actionnaires. Il pourrait en aller de même en cas de modification de l’actionnariat de référence de l’opérateur économique. Une telle évolution est certes sans conséquence juridique directe sur la SEMOP mais, en pratique, elle est susceptible d’affecter la stratégie de l’opérateur économique et, par voie de conséquence, son implication au sein de la SEMOP. La question se pose alors de savoir quel pouvoir de contrôle le pacte d’actionnaires pourrait accorder à la collectivité territoriale sans porter atteinte à la liberté du commerce et de l’industrie. Se pose également la question de savoir si la répartition du capital social entre les actionnaires publics et privés peut être modifiée au cours de l’existence de la SEMOP. La loi ne l’interdit pas expressément, mais elle fait de « la part de capital que la collectivité territoriale ou le groupement de collectivités territoriales souhaite détenir » une des « principales caractéristiques » de la SEMOP (CGCT, art. L. 1541-2, III) et, à ce titre, un élément essentiel de la mise en concurrence initiale.»

Pour rappel, s’agissant d’une cession du marché au sens de l’avis du Conseil d’Etat du 8 juin 2000, celle-ci doit être préalablement autorisée par la personne publique. Un refus ne peut être opposé qu’au regard de l’insuffisance des garanties professionnelles et financières que peut présenter le nouveau titulaire du contrat pour assurer la bonne fin du contrat  ou si cette cession paraît de nature soit à remettre en cause les éléments essentiels relatifs au choix du titulaire initial du contrat, soit à modifier substantiellement l’économie dudit contrat.

Les juridictions administratives françaises considérèrent en effet que la cession entraîne le transfert de l’ensemble des droits et des obligations nés du contrat initial et qu’elle est, par suite, simplement soumise à l’autorisation du cédé : « si, dans le silence des textes, rien ne s’oppose à ce que le marché  fasse l’objet d’une cession à un tiers présentant des garanties équivalentes à celles qu’offre le titulaire, c’est à la condition que cette cession recueille l’assentiment de la collectivité publique contractante ; qu’à défaut d’être exprès, son accord doit au moins se déduire du comportement dépourvu d’ambigüité qu’elle manifeste à l’égard du cessionnaire au cours de l’exécution du marché » (jurisprudences citées par H. Hoepffner, la modification des contrats de la commande publique à l’épreuve du droit communautaire, RFDA 2011 p.98 : CAA Lyon, 9 octobre 2008, n° 05LY01239, SA INEO ; CAA Paris, 9 juillet 2009, n° 06PA03765, société ETDE ; CAA Bordeaux, 13 juillet 2010, n° 09BX02630, société financière Sport et Loisir).

De son côté, la Cour de Justice de l’Union Européenne a, dans son arrêt PRESSETEXT du 19 juin 2008, de manière comparable à l’avis du Conseil d’Etat précité, mais en des termes différents, retenu que des modifications apportées à des dispositions d’un marché public pendant sa durée constituent une nouvelle passation lorsqu’elles présentent des caractéristiques substantiellement différentes de celles du marché initial démontrant la volonté des parties de renégocier les termes essentiels de ce marché (point 34 de l’arrêt PRESSETEXT). Les critères employés par la Cour pour identifier une modification substantielle du contrat sont les mêmes que ceux retenus par le Conseil d’Etat dès lors qu’on y retrouve les critères de la dissociabilité de l’objet du contrat et du bouleversement de l’économie du contrat.

Cependant, la Cour rappelle aussi que la substitution d’un nouveau cocontractant peut participer d’une modification  substantielle nécessitant de mettre en œuvre un  nouvel appel d’offres.

En général, la substitution d’un nouveau cocontractant à celui auquel le pouvoir adjudicateur avait initialement attribué le marché doit être considérée comme constituant un changement de l’un des termes essentiels du marché public concerné » (point 40 de l’arrêt PRESSETEXT).

Alors que le Conseil d’Etat, dans son avis du 8 juin 2000, n’écarte pas lui-aussi cette possibilité dès lors que la cession paraît de nature « à remettre en cause les éléments essentiels relatifs au choix du titulaire initial du contrat », la Cour semble en faire ici une véritable présomption.

Cette position a été assouplie le 13 avril 2010 par la Cour elle-même dans son arrêt Wall AG relatif à la substitution de sous-traitant, ce qui démontre que cette présomption n’est pas irréversible et qu’il appartient à la personne publique, au cas par cas, d’apprécier si cette substitution modifie le contrat et a un effet novatoire provoquant la conclusion d’un nouveau contrat justifiant la mise en œuvre d’une nouvelle procédure d’appel d’offres.

La Cour avait d’ailleurs rappelé dans son arrêt du 19 juin 2008, s’interrogeant sur l’absence de garantie  pour le pouvoir adjudicateur de la stabilité de la composition des associés du prestataire initial (point 50 de l’arrêt PRESSETEXT),  que les marchés publics sont régulièrement attribués à des personnes morales, notamment à des sociétés anonymes cotées en bourse et qu’il résulte de leur nature même que leur  actionnariat est susceptible de changer à tout moment, ce qui ne remet pas en cause la validité des marchés qui leur ont été attribués ! La Cour révèle certainement ici l’essentiel de la motivation de son arrêt  pris sur le fondement des principes d’égalité de traitement et de non-discrimination  ainsi que de l’obligation de transparence qui en découle, lorsqu’elle ajoute qu’ « il pourrait en être autrement dans des cas exceptionnels, telles des manœuvres destinées à contourner les règles communautaires en matière de marchés publics » (point 51 de l’arrêt PRESSETEXT).

Dans ce même mouvement, la Cour a retenu immédiatement l’hypothèse de la réorganisation interne du cocontractant comme exception  à la présomption qu’elle venait juste de poser   (point 41 et suivants et en particulier 45 de l’arrêt PRESSETEXT).

C’est cette exception que la Cour a expressément prévue qui pourrait intéresser des mouvements d’actions à l’intérieur de la SEMOP.

On s’aperçoit ici encore que le droit de la commande publique sera le fondement de toute réflexion engagée pour la rédaction du pacte d’actionnaires.

 

Quelle rédaction pour le document de préfiguration et du pacte d’actionnaires ?

Toute la difficulté résidera alors dans la rédaction des statuts et du pacte d’actionnaires à un moment qui risque de limiter l’imagination de la collectivité, le moment de l’avis d’appel public à la concurrence (AAPC).

Il est dit en effet que « l’AAPC comporte un document de préfiguration » constitué « des principales caractéristiques de la SEMOP » dont les statuts et le cas échéant le « pacte d’actionnaire » et du « coût prévisionnel global  de l’opération pour la collectivité ».

Ce qui est certainement nécessaire au respect des principes de transparence et d’égalité des candidats mais qui risque de limiter la négociation des clauses des statuts et du  pacte d’actionnaires avec les candidats, notamment si la procédure choisie est par exemple celle du dialogue compétitif qui a justement pour objet de négocier le contrat.

Il convient ici encore de revenir aux principes de la commande publique et convenir que la négociation autorisée au titre de la procédure de mise en concurrence (il paraît essentiel de pouvoir ici organiser une négociation) ne pourra pas bouleverser de manière substantielle « les caractéristiques principales de la SEMOP » ou « le coût prévisionnel global de l’opération pour la collectivité », de telle sorte que si ces bouleversements avaient été connus des candidats, ils auraient pu modifier leur offre. Dès lors que le résultat de la négociation avec le candidat violera les règles de mise en concurrence et de publicité, ce que la jurisprudence en matière de référés précontractuels nous propose des exemples concrets même si cette jurisprudence ne concerne pas directement le choix d’un actionnaire privé dans une société d’économie mixte, il faudra convenir que la dite modification envisagée des statuts et du pacte d’actionnaires n’est pas alors opportune.

Dans sa communication  interprétative sur les PPPI (C(2007)6661 du 05/02/2008), la Commission européenne indique à ce titre :

« Les  principes  d’égalité  de  traitement  et  de  non-discrimination  impliquent  une obligation de transparence qui consiste à garantir, en faveur de tout soumissionnaire potentiel, un degré de publicité adéquat permettant une ouverture du marché des services à la concurrence. Dans le contexte de la création d’un PPPI cette obligation implique, selon la Commission, que l’entité adjudicatrice inclut dans l’avis de marché ou dans le cahier des charges de l’information fondamentale sur les documents suivants: le marché public et/ou la concession qui doit être attribué à l’entité à capital mixte à créer, ainsi que les statuts de cette entité, le pacte d’actionnaires et tous les autres éléments régissant, d’un côté, la relation contractuelle entre l’entité adjudicatrice et le partenaire privé, et, de l’autre, la relation entre l’entité adjudicatrice et l’entité à capital mixte devant être créée. Si l’entité adjudicatrice applique le dialogue compétitif ou la procédure négociée il se peut qu’une partie de cette information, ne doive pas être fixée d’avance. Ces éléments peuvent être identifiés au cours du dialogue ou de la négociation avec les entreprises candidates. L’appel à concurrence devrait inclure quelques informations sur la durée prévue du  marché public à exécuter ou de la concession à exploiter par l’entité à capital mixte ».

Par ailleurs, les candidats devront être informés en temps utile des modifications apportées aux documents de la consultation ou des réponses aux questions posées par les candidats, dans le respect de ces principes.

 

GERANDO AVOCATS

Paris – Toulouse – Bruxelles

 

 

 


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