A l’heure où les dotations de l’Etat et les recettes des villes se réduisent, où le crédit aux villes se resserre, la mise en œuvre d’une stratégie « ville intelligente » ouvre de nombreuses opportunités, quelle que soit la taille de sa ville, quel que soit son budget, parce qu’il n’y a pas qu’un seul modèle de « ville intelligente ».
La formule de la SEMOP qui connaît depuis qu’elle a été instituée ses premiers appels d’offres (réseaux de chaleur à Amiens, port de Le Barcares, assainissement de Dole, eau potable de Chartres Métropole) apparaît aujourd’hui comme l’outil structurant le plus adapté pour la mise en œuvre d’une telle stratégie.
La société d’économie mixte à opération unique (SEMOP) instituée par l’article L.1541-1 du CGCT (L. n° 2014-744 du 1er juillet 2014, art. 1er) pourrait rapidement trouver application dans la mise en œuvre par les villes de leur stratégie « ville intelligente » et ce, au-delà même des secteurs de l’énergie et de l’environnement.
Définir sa stratégie de « ville intelligente »
Concept marketing il y a peu, la mise en œuvre d’une « ville intelligente » (« smart city »), est devenue une véritable nécessité des villes qui entendent être « connectées ».
Si le socle stratégique reste l’utilisation accrue des technologies de l’information et de la communication (TIC), plusieurs niveaux d’actions existent pour rendre plus intelligente la ville:
– gestion des infrastructures : eau, énergie, information et télécommunication, transports, services d’urgence, équipements et espaces publics, bâtiments, gestion des tris et déchets…
– gestion sociale : réduction de la fracture numérique, amélioration de la sécurité et des services à la personne (modes de garde d’enfants, modes d’aide aux personnes âgées) ;
– gestion administrative : démocratie participative (collecte des données sur le mode « crowdsourcing » pour affiner le processus décisionnel), services publics administratifs connectés et dématérialisés.
L’objectif est une optimisation des coûts et une amélioration des performances afin de générer des recettes et faire des économies, et faire en sorte que l’usager (citoyen et entreprise) à qui la ville propose des offres enrichies, payantes ou gratuites, se plaise davantage dans sa ville.
La « ville intelligente » s’équipe ainsi de wifi, de robot, de domotique, de télégestion, d’applications spatiales, de capteurs, de compteurs (smart grids), de puces, de GPS, d’antennes, de caméras et de Data Center répondant à l’accroissement des données stockées. La ville gère mieux alors ses réseaux d’énergies, la mobilité piétonne, le trafic routier et ses feux de circulation, les places de stationnement (places vides, télé-verbalisation), les points de recharge électrique, la sécurité des personnes et des biens, mesure mieux la consommation d’eau, de gaz, d’électricité, détecte les fuites, capte le taux de remplissage des poubelles, détecte une présence sur la voie et/ou le trottoir pour l’éclairage public (« smart lighting »), etc…
S’entourer intelligemment
Cette stratégie ne se définit pas seul mais avec les parties prenantes de la ville, les usagers bien sûr, les urbanistes et les administrations, et pour le secteur privé les opérateurs des secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports, des réseaux télécoms et infrastructures, les constructeurs, les intégrateurs et SSII, les éditeurs, fournisseurs de logiciels et les sociétés de conseils.
Déjà, le secteur privé se positionne sur des démonstrateurs de « ville intelligente » et prend en charge de nouvelles fonctions urbaines.
Cette relation partenariale étroite entre le secteur public et le secteur privé perdure ensuite au stade de la mise en œuvre de la stratégie puis au stade de son financement. En effet, le secteur public qui n’a pas les ressources techniques et le savoir-faire fait confiance en l’expertise du secteur privé mais souhaite être impliqué dans la définition du besoin, la gouvernance, le contrôle des données, tout au long de la vie du contrat. Le secteur public n’a pas plus les clés du financement alors que la « ville intelligente » demande un fort investissement capitalistique et la mobilisation d’importantes ressources financières.
Se structurer en SEMOP
Les caractéristiques de la SEMOP sont parfaitement adaptées au développement des actions et investissements susvisés.
- Forme de la SEMOP : SA (Conseil d’administration ou Directoire avec Conseil de surveillance).
- Type d’actionnaires : entre une ou des collectivités territoriales (un groupement de collectivités territoriales) et au moins un opérateur économique (même les EPIC, EPN ou EPL, voire les régies dotées de la personnalité morale, les EPA quand ils sont qualifiés d’opérateurs économiques; en tous les cas, les personnes morales comme les personnes physiques).
- Nombre d’actionnaires : au moins deux actionnaires, en dérogation au droit des sociétés anonymes (7 actionnaires).
- Détention du capital : la collectivité territoriale détient entre 34 % (au minimum) et 85 % du capital de la société; a contrario, la personne privée détient entre 15 % (au minimum) et 66 % du capital de la société. La personne publique peut-être majoritaire ou minoritaire (minorité de blocage au sein du Conseil d’administration ou du Conseil de surveillance), cette situation est nouvelle au regard des SPL, SPLA, SEM.
- Président de la SEMOP et répartition des sièges: Présidence du CA ou du Conseil de surveillance confiée de droit à un représentant de la collectivité locale. Le nombre de sièges dévolus dans ces instances est fixé en proportion du capital détenu.
- Objet de la SEMOP : un objet unique qui ne peut être modifié au cours de l’existence de la SEMOP portant, de manière alternative, sur : « soit la réalisation d’une opération de construction, de développement du logement ou d’aménagement », « soit la gestion d’un service public pouvant inclure la construction des ouvrages ou l’acquisition des biens nécessaires au service », « soit toute autre opération d’intérêt général relevant de la compétence de la personne publique». La SEMOP peut conclure un BEA mais pas un contrat de partenariat stricto sensu. Enfin, les concessions de services ne sont pas mentionnées au titre des contrats susceptibles d’être conclus par la SEMOP.
- Durée limitée de la SEMOP : à la durée du contrat ce qui entraine la dissolution de la SEMOP à l’expiration du contrat mais également en cas de fin anticipée du contrat la liant à la personne publique, quelle qu’en soit la raison. Toutefois, le texte n’indique pas que la durée de la SEMOP doit se caler sur la durée initiale du contrat de sorte qu’en cas de prolongation du contrat, la SEMOP survivra d’autant.
- Participations dans d’autres sociétés : la SEMOP ne peut pas prendre de participation dans les sociétés commerciales.
Bertrand de Gérando est avocat, spécialiste en droit public, il intervient de manière transversale en droit de la construction, de l’énergie et de l’environnement industriel. Il dirige le Cabinet GERANDO AVOCATS présent à Paris, Toulouse et Bruxelles.
Fichier à télécharger: TAP___GERANDOAVOCATS
Les points clés
Dispositions applicables: CGCT, art L1541-1 et s. sur la SEMOP et art L1521-1 et s. sur les SEM ; CJA, art L551-1; C. Com. sur les SA.
Deux nouvelles possibilités par rapport aux SPL, SPLA et SEM ordinaires:
– autoriser la conclusion d’un contrat de la commande publique dont l’exécution sera confiée non au candidat dont l’offre a été retenue mais à la SEMOP dont ledit candidat deviendra actionnaire aux côtés de la collectivité locale ;
– le candidat retenu pourra détenir la majorité du capital social de la SEMOP, la part réservée à la collectivité locale étant réduite à 34 % du capital.
Sur l’auteur
GERANDO AVOCATS intervient spécifiquement sur des projets et contentieux nécessitant des compétences transversales en droit de la construction, de l’énergie et de l’environnement industriel. Bertrand de Gérando, conseil d’entreprises et spécialiste en droit public, intervient régulièrement dans les secteurs de la production et l’achat d’énergies, des facilities, de l’éclairage public, du chauffage urbain, de la performance énergétique des bâtiments et de l’économie circulaire.