En 2012, l’essayiste et spécialiste en prospective économique Jeremy Rifkin prédisait l’avenir du marché de l’énergie comme étant basé sur la recherche d’efficacité énergétique, et l’expansion des énergies renouvelables. La Troisième Révolution Industrielle telle qu’il la décrivait serait l’héritage technologique de la révolution numérique des années 90, avec comme point d’ancrage l’émergence de l’algorithmique adaptative et d’internet. Issue de la convergence du secteur de l’énergie et de celui de l’informatique, le potentiel de partage de millions de sources distribuées d’énergies ouvrirait la voie à une nouvelle ère économique sans précédent. Le développement de l’autoconsommation collective en France et ailleurs en Europe d’une part, ainsi que l’innovation smartgrid et smart meter d’autre part sont des signes de cette transition. Et parmi toutes les sources d’énergies renouvelables, l’une d’elle, la chaleur géothermique se prête particulièrement aux exigences de mutation de cette prochaine révolution. Tout d’abord une brève remise en contexte. L’extraction des énergies fossiles et notamment pétrolières constituait la majeur partie de la dynamique de production économique depuis les années 70. La détérioration climatique couplée aux conflits et enjeux géopolitiques gravitant autour de l’or noir ont rendu peu à peu son prix très volatile avec les années, jusqu’à rendre l’économie mondiale totalement dépendante de celui-ci. Élément essentiel de notre économie, l’énergie pétrolière a ainsi auto-entretenu un cycle économique qui s’est d’abord vu sur les marchés financiers, puis sur celui des matières premières, lequel a eu une répercussion directe sur les échanges commerciaux. Arrivée dans les années 2000, l’économie mondiale a alors réalisé que le marché de l’énergie, c’est-à dire l’offre et sa chaîne de production d’un côté et la demande et sa consommation de l’autre devait drastiquement changer, et ce de deux façons :
- tout d’abord en reconsidérant le prix de l’énergie, notamment en prenant en compte le coût social et environnemental des externalités issues de l’activité humaine.
- ensuite en devenant des experts en optimisation d’énergie. L’efficacité énergétique, jointe à la recherche de résilience énergétique s’est très vite résumé en deux mots dans le discours politique : agir responsable.
De là émerge une prédiction simple, la production énergétique de l’OCDE en 2100 sera entièrement issue de source renouvelable, et sera inférieure à la production de 2010. Et cela pour plusieurs raisons (la principale restant l’épuisement total de nos ressources en énergies fossiles d’ici 2100), la hausse de l’offre et de la demande en renouvelable ainsi que la baisse prolongée des taux d’intérêts monétaires vont dans ce sens. Parallèlement on peut observer sur le marché du baril de brent et du WTI une hausse du prix d’achat et de production, et un progrès technique dans les capacités de stockage des énergies renouvelables. Tous ces signes sont les indicateurs d’entrée dans la phase de staglfation économique. Précédée par la croissance, la stagflation caractérise une hausse des prix, une baisse du salaire et une hausse du chômage. Cette perte de vitesse de la machine économique a commencé en 2005 puis s’est intensifié en 2008. La suite logique au cycle économique serait la contraction, encore appelée effondrement par certains spécialistes du climat, si aucune transition énergétique n’arriverait à son terme. Pour autant l’énergie géothermique alimente d’ôres et déjà la croissance de la troisième révolution industrielle, et cette croissance s’accélère d’années en années car son principal atout est sa miniaturisation industrielle à l’échelle d’une ville. Prenons l’exemple de la ville de Güssing, située en Autriche. En 1990, cette ville dortoir Viennoise connaissait une période de crise en apparence insurmontable. Désertification industrielle, chômage de masse, comme beaucoup de villes en Autriche la dislocation de l’URSS avait frappé de plein fouet l’économie locale. Le responsable politique de l’époque se tourna alors vers l’auto-production d’énergie renouvelable pour subvenir aux besoins en chauffage et en électricité de ses concitoyens. 12 ans plus tard, la ville atteignait les 100% d’énergie renouvelable (à savoir le biogaz, biodiesel, le solaire thermique et photovoltaïque. Ce modèle de d’amélioration économique à l’échelle régionale porte d’ailleurs le nom de la ville. Le modèle Güssing résume donc la stratégie de production énergétique locale et décentralisée à partir de toute les ressources renouvelables disponibles dans la région concernée. Pour plus d’information voir liens de documentation en bas de page) et grâce à l’ancrage de son économie charismatique* et de qualité, la promotion du savoir-faire Viennois a permis l’ouverture de la ville à l’international. Aucun leviers tels que la taxe carbone, la création d’un marché SEQE ou le pouvoir des négociation commerciales n’ont été mobilisé pour ce redémarrage isolé. En revanche la première étape de transition a été la réduction de moitié de la demande énergétique. Et l’argument d’efficacité est particulièrement présent dans les discussions autour du géothermique. Cette simple intelligence permettrait non seulement la soutenabilité de cette énergie mais également sa rentabilité à moyen terme. A l’heure où le chauffage représente 60% de la consommation d’énergie totale et où la facture moyenne de chauffage des français est de 1661 euros, de plus en plus de gouvernements notamment aux Etats-Unis se mettent à subventionner la production géothermique. Et les avantages comparatifs parlent d’eux mêmes :
Graph.1 Emissions comparées des énergies géothermiques et fossiles
Données : EIA Bloomfield and Morre, 1999
[*] économie charismatique : économie fondée sur le charisme du producteur, sa rareté, la particularité des produits et une organisation spécifique. Terme utilisé par l’économiste et sociologue Max Weber puis ré-étudié par l’économiste Isabelle Jonveux dans son ouvrage « Le monastère au travail. Le royaume de Dieu au défi de l’économie » publié en 2011 aux Editions Bayard Jeunesse et issu de sa thèse de doctorat en sociologie réalisée à l’ EHESS sous la direction de Danièle Hervieu-Léger (2009).
Malgré une émission positive de gaz à effet de serre, l’effet d’entropie (voir article précédent sur le marché de la biomasse) reste minimal face au gaz naturel au pétrole et au charbon. Et bien qu’auparavant les sites d’exploitation géothermique étaient principalement localisés dans des zones frontalières entre plusieurs plaques tectoniques, aujourd’hui de nouvelles technologies d’ingénierie rendent possible l’installation de ces sites dans des zones géologiquement peu actives. Cependant le forage et l’exploration des sources géothermiques restent coûteux en capital et en investissement dus à une évaluation des risques encore trop pénalisante. On estime à 20% le taux d’échec d’un forage dans une ville du Nevada pour une exploitation de 4,5MW. Cette même ville représentative peut voir s’implanter un tel projet avec un coût de 2 à 5 millions d’euros/MW et un prix de revient compris entre 0,04 et 0,10 euros/kWh. Pour le résidentiel de 10kW les chiffres indiquent un coût compris entre 1000 et 3000 euros/kW pour un prix de revient de 0,054 euros/kWh en 2007. La clé de l’économie géothermique réside donc peut-être dans la décentralisation. Malgré un coût d’investissement plus important que sur le marché des énergies fossiles, une unité de production directe (c’est-à-dire décentralisée et dédiée à une seule zone de consommation) permet des coûts de maintenance plus compétitifs qu’une usine nucléaire ou de thorium centralisée par exemple. Si la demande géographique est dense (comprendre ici une ville avec une forte émission en gaz à effet de serre désireuse d’une réduction de son empreinte carbone) comme en Bavière par exemple, le prix du capital fixe excède légèrement le million d’euros par MW mais soutenu par une politique de subvention adaptée, l’unité géothermique assure une résilience énergétique supérieure à 30 ans et un effacement progressif de la dette publique et pétrolière. Dans l’hypothèse d’une percée technologique, d’un mouvement favorable des plaques tectoniques et d’une baisse des taux d’intérêts, le coût du géothermique pourrait baisser de 25% d’ici les 20 prochaines années. (d’après le EWEB’s customer optimisation in GreenPower Program). De même les recherches et l’expérience industrielle montrent que les consommateurs seraient prêts à payer un peu plus cher leur énergie si celle-ci était issue de source renouvelable.
Enfin, quelques chiffres sur le géothermique en 2017 :
un coût du kW de 10 centimes
une efficacité énergétique 5 fois supérieure au fossile
une baisse de 80% du coût de la facture chauffage conditionnellement à l’installation d’un réseaux intelligent
100MW de géothermique représente la création de 170 emplois permanents
Dans le cas d’un nouveau projet ces emplois s’ajoutent aux 640 emplois annuels de construction et de maintenance.
Source :
http://geo-energy.org/reports/Economic%20Cost%20and%20Benfits_Publication_6_16.pdf
https://www.tse-fr.eu/fr/column/tendances-economiques-et-espoir-pour-le-climat
http://www.geothermie-perspectives.fr/article/marches-emplois-geothermie
Le modèle Güssing :
http://www.locsee.eu/uploads/documents/good%20practices/A4-%20G%C3%BCssing%20Model.pdf
https://memory.psych.mun.ca/models/guessing/js/
https://memory.psych.mun.ca/pubs/reports/reprints/tr2005-01.pdf
https://memory.psych.mun.ca/pubs/books/hm2/index.shtml (pages 46-47)
http://www.locsee.eu/uploads/documents/good%20practices/A4-%20G%C3%BCssing%20Model.pdf
Economie charismatique :
https://www.cairn.info/revue-ethnologie-francaise-2011-1-page-117.htm
https://mastersociologie.hypotheses.org/2506
http://www.nouvellesecoutes.fr/splash2moines
Gérando Avocats, Paris