La naissance du grand marché solaire
L’année 2017 aura marqué un tournant dans l’ère de la transition énergétique. Le renouvelable avait le vent en poupe, les marchés étaient favorables, les prix en chute libre tandis que les investissements atteignaient des sommets. La solution au réchauffement climatique était donc toute trouvée, il suffisait de quelques déclarations et d’une opération climato-diplomatique à Paris pour mettre le monde sur la bonne voie. Vraiment ? Prenons un peu de recul, à commencer par l’état des lieux démographique. 10 milliards d’êtres humains peupleront la terre à l’horizon 2050, soit 25% supplémentaire par rapport à la population mondiale actuelle. Ce boom des naissances aura majoritairement lieu dans les zones dites sous-développées et en développement, à savoir l’Afrique et l’Inde. Ces derniers consommeront par ailleurs d’avantage et feront face à des contraintes géographiques encore peu connues des pays riches comme les deserts, les fortes sécheresses et les moussons.
La Chine pionnière sur le marché du renouvelable ( taux de croissance annuel moyen entre 2010 et 2016 )
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La résilience énergétique sera donc un élément clé au développement de ces pays ainsi qu’à la stabilité migratoire mondiale. Pour ce faire, l’Agence internationale de l’Energie (IAE) recommande une diminution de 50% des émissions de gaz à effet de serre à mi-siècle puis une résorbation totale d’ici l’année 2100. A ce jour, aucune technologie de rupture n’est à disposition pour résoudre cette équation. Mais les modélisations suggèrent que les bénéfices économiques et sociaux des systèmes énergetiques combinant efficacité énergétique et forte pénetration des énergies vertes l’emportent sur les coûts, contrairement aux systèmes actuels. Pourtant les marchés financiers investissent encore fortement dans le pétrole et le nucléaire, et tardent à se tourner vers le renouvelable. L’arrivée du Brexit a cependant précipité le changement de trajectoire stratégique des banques européennes en remettant en jeu la place de capitale financière anciennement tenue à Londres. La nouvelle City sera peut être à Paris, Bruxelles ou Berlin, smart et tournée vers l’ISR et le bas-carbonne. Pour autant, les Etats membres affichent des performances médiocres en terme de transition énergétique et de nombreux marchés sont encore à prendre. A ce titre, la Pologne encore alimentée au charbon, organisera le prochain sommet climatique à Katowice et devra probablement poser les vraies questions d’inégalités énergétiques. D’autant plus que le scénario “100% électricité renouvelable” engendrerait un niveau de croissance superieur à 3,9% par rapport à l’évolution tendancielle, un argument séduisant pour une économie productiviste mondiale en fin de course. Mais alors quelles sont les opportunités renouvelables à notre portée ?
L’option solaire : un marché encore mal calibré
Tout d’abord, le solaire béneficie encore d’une embellie sur le marché des investissement et reste l’énergie la plus efficace*. Un double avantage face au nucléaire et au pétrole pour les secteurs de l’électricité et de l’industrie. Sans surprise le pays avec la plus grande marge de manoeuvre reste le géant chinois qui s’impose en leader photovoltaïque pour une deuxième année consécutive.
[*] Efficacité énergétique :
quantité d’énergie nécessaire à la production d’un bien ou d’un service, ou au fonctionnement de l’économie dans son ensemble.
Une répartition mondiale des capacités photovoltaïques de plus en plus dominée par l’Asie en raccordé…( en Gw/h/an)
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Et tandis que les capacités de production d’électricité solaire augmentent (+ 30% de capacités ajoutées entre 2007 et 2016), l’intensité énergétique elle, peine à se réduire au niveau mondial avec seulement -0,5% du PIB entre 2000 et 2014 contre un objectif de -2,6% par an fixé par l’AIE, soit un rythme cinq fois plus rapide. Bien sûr à cette échelle les freins technologiques et économiques sont nombreux mais l’ambition des Etats en termes de politiques publiques restent determinante pour accèlerer la transition. Le cas de l’Europe est d’ailleurs très particulier puisqu’il s’agit du plus grand marché ouvert avec une harmonisation juridique hybride, à mi-chemin entre le fédéralisme et l’indépendance totale. Et bien que la création d’un marché commun du carbone et la nomination Française aux Jeux Olympiques de 2024 aient permis une nette amélioration du découplage économique européen, la réglementation du marché renouvelable reste hésitante et souvent inneficace.
… Et en cumulé
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L’Allemagne grand leader européen du photovoltaïque raccordé (en Gw/h/an)

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Le système d’attribution de part de marchés des appels d’offre par exemple est encore financièrement inadapté aux petites échelles de production comme les start-up qui sont pourtant les premières en innovation. La durée de vie des panneaux photovolatïques de 20 ans est souvent sous-estimée ( empiriquement on constate une durée de vie effective de 30 à 40 ans ), ce qui rajoute des coûts de maintenance inutiles et rallonge leur TRC ( temps de retour carbone ). Enfin, l’ossature contractuelle en vigueur est totalement dépassé par les nouveaux enjeux de partenariats énergétiques public-privé qui entrent en rupture avec l’ancien système de réseaux monopolistique EDF. Tout ces facteurs cumulés rendent la rentabilité et donc l’évolution du photovoltaïque difficile malgrè un coût d’investissement moyen du kW/h de 0,30 centimes et des coûts fixes négligeables face aux industries pétro-nucléaires. Rien n’est encore gagné donc, et les efforts restent à faire si les Etats veulent rester sous la limite des 2°C.
Sources :
http://www.irena.org/documentdownloads/publications/irena_rethinking_energy_2017.pdf
https://book.energytransition.org/fr
Gérando Avocats